Sans armes, ni haine, ni violence. Ce samedi 5 octobre, un millier d’activistes pour le climat et la justice sociale ont envahi le centre commercial Italie 2, à Paris. Une occupation qui réunit mouvement climatique, Gilets Jaunes et militant.e.s des quartiers populaires. Un moment fort de rencontre des luttes et d’auto-organisation.

“Rendez-vous à midi ! Assemblée générale à l’Hippopotamus !” L’appel et les rires qu’il provoque résonne à travers le grand hall du centre commercial Italie 2. Depuis plusieurs heures, les militant・e・s du collectif Extinction Rebellion, accompagné・e・s par des membres d’autres organisations pour le climat, des Gilets Jaunes ainsi que des membres du comité “justice pour Adama”, ont envahi ce temps de la consommation dans le sud de Paris.

L’installation s’est faite sans heurt, ni violence. Bien organisés les activistes ont pénétré les lieux en plusieurs endroits et ont rapidement expliqué ce qui allait se passer aux vigiles. “On va bloquer au minimum toute la journée, on veut faire ça calmement et si possible en nous accordant avec vous pour que tout se déroule au mieux“, détaille l’un des “peacekeeper”, un activiste chargé des relations avec les personnels du centre commercial.

La police arrive rapidement sur les lieux. À chaque approche des représentants de l’État, des appels sont lancés : “Bloqueurs ! On a besoin de bloqueurs par ici !” La foule des occupant・e・s se dirige au pas de course vers les accès pour empêcher toute intrusion.

Dans le centre commercial Italie 2 à Paris lors de l’occupation du samedi 5 octobre 2019. Photographie : Laury-Anne Cholez pour Radio parleur

Une occupation qui s’organise dès les premières heures

Au troisième étage du hall occupé, près du fameux restaurant Hippopotamus, l’assemblée générale démarre, sans enceinte pour relayer les prises de paroles. On ne s’entend pas, on tâtonne… Les mains s’agitent, les bras se croisent, les signes typiques des mouvements d’auto-organisation sont de sortie. Premier débat sur la logistique, les toilettes, le coin cantine mais aussi la surveillance. “Doit-on noircir les objectifs des caméras du centre commercial ?” Dans le public de l’AG, Swann, 22 ans. Elle vient de Bordeaux pour vivre sa première grande action de désobéissance civile. “Ça bloque la fonction économique de ce lieu, ça permet de toucher l’opinion publique”, estime t-elle “on voit bien que les marches climat aujourd’hui ça ne suffit plus”

Au pied des escalators à l’arrêt, un grand “mur des idées” est affiché. Chacun peut y inscrire sa proposition d’activité pour animer le lieu. Tout est fait comme si l’occupation d’Italie 2 devait durer plusieurs jours ou semaines. “L’idée c’est vraiment de transformer cet endroit en une maison du peuple”, explique Sarah, membre d’Extinction Rebellion. “Cette idée de maison c’est un terme des Gilets Jaunes et on l’assume, on est avec eux, on est avec le comité Justice Pour Adama, c’est pas seulement une action écolo.” 

Le Gilet Jaune, Sabrina le porte depuis le mois de décembre 2018. Elle est membre du comité de la Place des Fêtes dans le XIVeme arrondissement de Paris. “Extinction Rebellion est venu nous voir dans une de nos assemblées car ils voulaient faire l’action avec des collectifs comme le notre”, raconte t-elle. “Ca ma rassuré car le 21 septembre à la marche climat, j’étais avec mon gilet et des gens m’ont insulté ! Ils m’ont reproché de provoquer les violences.”

Métro Boulot Black Bloc. Inscriptions dans le centre commercial Italie 2 à Paris lors de l’occupation du samedi 5 octobre 2019. Photographie : Laury-Anne Cholez pour Radio parleur

“Il faut arrêter de dire : ‘je veux bien vivre, moi et seulement moi !'”

Ces difficultés entre Gilets Jaunes et militant・e・s climat, Jérome Rodrigues, figure du mouvement ne les nie pas : “chacun défend sa corporation ! Il faut que ça cesse, c’est sûr que nous, on a une urgence plus immédiate, le caddie à remplir. Mais il faut mettre ces divergences de côté ! Il y a un combat qui nous rassemble c’est le bien vivre, mais il faut arrêter de dire je veux bien vivre seulement moi !”

Devant l’un des accès du centre commercial, une équipe de militant.e.s monte une barricade “On utilise les serflex pour attacher des palettes ! C’est les liens en plastique qu’utilisent les policiers pour nous menotter ! Ça marche super bien“, lance une activiste. A quelques mètres, un attroupement se forme. Une voix s’élève des enceintes, forte et déterminée.

Assa Traoré et Youcef Brakni du Comité Justice pour Adama avec Jérôme Rodriguez, figure médiatique du mouvement Gilets Jaunes. Photographie Laury-Anne Cholez pour Radio Parleur.

“Il faut que le mouvement écologique regarde ce qui se passe dans nos quartiers”

Assa Traoré, figure du mouvement contre les violences policières dans les quartiers populaires prend la parole : “toutes les personnes présentes aujourd’hui, vous êtes des soldats, vous êtes devenus des soldats malgré vous face à cette machine de guerre” [NDLR : Assa Traoré désigne ici l’État]. La convergence, la soeur d’Adama Traoré, tué lors d’un contrôle de gendarmerie il y a 3 ans, la soutient mais pas à n’importe quelle condition. “Il faut reproduire ces actions, il faut que le mouvement écologique regarde aussi ce qui se passe dans nos quartiers, le monde écologique doit parler de l’Afrique, de l’Asie. C’est comme ça que nous irons ensemble et qu’on va gagner”

Reproduire cette occupation ailleurs qu’à Italie 2, c’est le programme d’une semaine de mobilisation portée par Extinction Rebellion. “Même si on se fait sortir dans les prochaines heures, ce n’est que le début d’une semaine de mobilisation qui commence dès lundi.” explique Sarah, l’une des organisatrice de la mobilisation. ” On va multiplier les occupations, récupérer des lieux publics pour pouvoir à chaque fois se parler et agir ensemble, on est motivés et on va continuer aussi pendant les mois à venir”.