À Rouen, industriels et pouvoirs publics tentent-ils d’oublier la catastrophe pour mieux ré-industrialiser la région ? Quatre ans après l’incendie de l’usine Lubrizol, les victimes attendent toujours que la lumière soit faite sur l’accident industriel. Au micro de Radio Parleur, Simon de Carvalho, fondateur de l’association des Sinistrés de Lubrizol et Stany Cambot, fondateur d’Echelle inconnue, analysent les raisons du déni confortable des pouvoirs publics.

9500 produits chimiques partis en fumée. Ce sont les chiffres du terrible incendie qui s’est produit le 26 septembre 2019 dans une usine de Lubrizol à Rouen. Les conséquences pour les habitant·es sont désastreuses. Les victimes ne touchent toujours pas d’indemnisations, malgré l’épais nuage noir toxique qui a noyé la ville pendant des jours.

Depuis, plusieurs enquêtes menées ont révélé de nombreux manquements sur les normes de la multinationale américaine. Un travail d’enquête que Simon de Carvalho, le fondateur de l’association des Sinistrés de Lubrizol, s’est senti obligé de faire lui-même le jour où “les produits chimiques se sont invités chez lui”, contre son gré.


À écouter : Lubrizol : Rouen s’organise face à la gestion de crise


D’inquiétants rapports dissimulés

En effet, les sites Seveso, qui produisent et stockent des produits chimiques potentiellement dangereux pour la santé ou l’environnement, sont censés maintenir un niveau de haute prévention. “Les documents des sites Seveso, faits par des ingénieures, sont biaisés”, dénonce Simon de Carvalho. “J’ai noté des anomalies comme par exemple le calcul du rayon de danger autour de l’usine, estimé à 100 mètres. Là, le nuage est parti jusqu’au Pays-Bas…”. On est effectivement loin du compte.

Une omerta empêche les habitant·es proches du site d’avoir des informations claires sur les conséquences sanitaires du nuage toxique. En plus de prélèvements peu rigoureux, des analyses inquiétantes sur l’environnement ont pourtant été écartées par les pouvoirs publics.

La catastrophe de Lubrizol doit questionner l’industrie

Pour Stany Cambot, cette affaire interroge la place de l’industrie dans la société. Les discours dominants, pro-industriels, convoquent l’imaginaire de l’ère industrielle pour justifier son omniprésence. “Il y a des stratégies de communication qui visent à nous faire intégrer ça comme une part de notre identité. Que nous serions les enfants d’un bassin industriel qui est dans l’histoire, qui a fait la grandeur de la ville…”

Lutter pour connaître la vérité sur l’incendie, c’est aussi poser la question de l’avenir industriel que l’on souhaite… si on en souhaite réellement un. Et refuser que l’industrie soit une fatalité, avec son cortège de dangers dont il est bien difficile de se protéger aujourd’hui.

Une émission produite par Violette Voldoire et Erin Rivoalan-Cochet. Co-animée par Yoanna Salese et Erin Rivoalan-Cochet. Réalisation : Pierre-Louis Colin. Montage et mixage : Violette Voldoire. Identité sonore : Etienne Gratianette.

[mc4wp_form id=”23286″]

Soutenez Radio Parleur, le podcast qui fait résonner vos luttes !


Donner à Radio Parleur, c’est soutenir un journalisme de solution joyeusement radical.