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suicide Christine Renon

Christine Renon, un nom sur la souffrance de l’école

Plus jamais ça”. Après le suicide d’une directrice d’école à Pantin, près de 3000 manifestant.es se sont rassemblé.e.s à Bobigny jeudi 3 octobre. Ils et elles ont répondu à l’appel lancé dans toute la France par des syndicats de l’Education Nationale. Pour que leur souffrance au travail soit reconnue. Pour que le suicide de Christine Renon ne soit pas inutile.

“Christine Renon, directrice épuisée”. Des mots, les derniers adressés à ses collègues dans une lettre, puis le suicide. Lundi 24 septembre, le weekend vient de s’achever. Un employé entre dans l’école élémentaire Méhul à Pantin en Seine-Saint-Denis pour une nouvelle semaine de cours. Il découvre le corps sans vie de celle qui était la directrice de cet établissement. Elle s’est tuée trois jours plus tôt, dans le hall, trois semaines après la rentrée scolaire. Un choc pour les élèves et les parents de Pantin, ainsi que pour tous les travailleurs de l’Education Nationale.

Le #pasdevague, c’est fini

Dix jours plus tard, l’émotion est vive jeudi 3 octobre, jour de grève nationale. Le rassemblement se tient devant la direction des services départementaux de l’Education Nationale de Seine-Saint-Denis. Christine Renon a été inhumée dans la matinée. À 13h30, ses collègues se rassemblent à Bobigny. “On est sous le choc de sa mort,” explique Christelle*, elle aussi directrice d’école à Pantin. Dans le bâtiment, un Comité d’hygiène, de sécurité, de conditions de travail se tient au même moment. Une réunion exceptionnelle, exigée par l’intersyndicale 93. Elle doit faire la lumière sur les conditions du décès de Mme Renon et le lien avec son environnement de travail.

Les pancartes “écoles en deuil” se déploient. La sono est installée sur le trottoir. Les directeur.trices d’école, les enseignant.e.s, les parents d’élèves et les soutiens défilent au micro. Toutes et tous sont venu.es crier cette maltraitance qui s’est installée depuis trop longtemps dans les établissements scolaires. Une souffrance au travail trop peu entendue estime Julie, professeur d’anglais dans le 94 : “Il faut que le recteur prenne la mesure de ce qui s’est passé. Et qu’on ne nous dise pas demain de reprendre le travail, RAS, tout va bien.”

L’année dernière le hashtag #PasDeVague avait fait le tour du réseau social Twitter. Il était apparu après l’agression d’une professeure dans un lycée à Créteil. Les témoignages des enseignant.es avait alors afflué. Tou.tes racontaient le manque de soutien, la solitude et l’incompréhension. Les témoignages pointaient aussi le rôle de leur hiérarchie qui tente, trop souvent selon eux, de minimiser les faits ou de les mettre sous le tapis. Surtout pas de vague.

Dans ses derniers mots, Christine Renon dénonçait cette omerta autour des difficultés du personnel éducatif : L’idée est de sacrifier les naufragés dans la tempête ! Pourvu que la presse ne s’en mêle pas !” Il n’est aujourd’hui plus question de se taire pour les quelques 3000 soutiens rassemblés ce jour-là selon les chiffres de l’intersyndicale du 93. 

Une “impossibilité de faire face” dans son travail

Dans sa dernière lettre, Christine Renon s’adresse aussi à son inspecteur d’académie et son syndicat. Elle y décrit une avalanche de “petits riens” qui occupent “200% de la journée“. Des lourdeurs administratives, l’adaptation aux réformes successives, la gestion de conflits avec les parents et le manque de moyens. Elle expose une “impossibilité de faire face.”

Ce qu’elle décrit c’est notre quotidien […] on croule sous les missions, les tâches. On a une multitude d’interlocuteurs. On a du mal à se centrer sur le cœur de notre métier, l’éducation des enfants,” explique Christelle*, la directrice d’école à Pantin.

Sur le même thème : écoutez notre émission sur la souffrance au travail à travers le procès France Télécom

La députée LREM Cécile Rilhac travaille à une proposition de loi depuis des mois. Elle veut créer des « chefs d’établissement du premier degré », déchargés de leurs heures d’enseignement, s’ils ou elles dirigent un établissement avec douze classes ou plus, pour mieux se consacrer aux tâches administratives. Cela pourrait-il suffire ? “Pas du tout. Moi je suis déjà déchargée, puisque j’ai une école de 400 élèves. […] Au-delà de 10 classes, il faut déjà se poser la question de l’aide administrative et des outils cohérents,” explique Marie, elle aussi directrice.

suicide Christine Renon
La foule écoute les prises de parole au micro alors que s’exprime le comité des directeurs et directrices d’école de Pantin. Photographie : Romane Salahun pour Radio Parleur

 

L’Éducation Nationale pointée du doigt

L’institution est clairement désignée dans la lettre de Christine Renon. Elle écrit ne plus avoir “confiance en son soutien et en sa protection“. “Il faut que l’institution comprenne, sache réellement ce qui se passe dans nos écoles, les réalités de notre profession. Et particulièrement dans notre département du 93,” s’insurge une de ses collègue présente au rassemblement. Pour ces directrices, le soutien de la hiérarchie est clairement insuffisant. “On s’accompagne nous même,” indique Marie, alors que la foule scande “Blanquer démission !

Après ce drame, une cellule d’écoute psychologique est mise en place par l’académie de Créteil. Jeudi matin, alors que plus de 200 écoles sur le territoire suivent le mouvement de grève, le ministre de l’Education Nationale Jean-Michel Blanquer a annoncé sur RTL la création d’un “comité de suivi de la fonction de directeur.” “Un effet d’annonce” pour Julie, syndiquée au SNUIPP-FSU. “Bien sûr on répond encore avec une instance, une cellule, un grenelle, qui ne sert à rien au final…” ajoute-t-elle désabusée.

Une convergence des colères le 5 décembre ?

On se soutient entre nous,” sourit une directrice d’école de Pantin. Au micro, les colères s’expriment tour à tour, dépassant largement le cadre de l’Education Nationale. Se rassembler pour se sentir plus fort・e・s, avec d’autres fonctionnaires qui vivent les absurdités engendrées par les réformes effrénées et la baisse généralisée des moyens.

Cheminot・e・s, ex-salarié・e・s de France Télécom, postier・ère・s, dépeignent collectivement une casse sociale orchestrée par le politique qui broient les travailleur・euse・s du service public. Anasse Khazib, cheminot du syndicat Sud Rail appelle les présent.es à rejoindre le mouvement de grève du 5 décembre, initié par la CGT RATP. “Faites des vagues !” lance-t-il à la foule qui applaudit.

** Les prénoms des directrices d’école de Pantin ont été modifiés.


Note de la rédaction : Si vous avez des pensées suicidaires, ou si vous souffrez d’une situation difficile, de fragilité, vous pouvez en parler. Plusieurs associations proposent des services d’écoute anonyme et gratuits, 24/24 et 7J/7. Retrouvez la liste de ces associations en cliquant ici.

Un reportage réalisé par Romane Salahun

 

 

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