Ce vendredi 28 juin à Paris, des membres du collectif Extinction Rébellion ont tenté de bloquer la circulation sur le pont de Sully, dans le 5e arrondissement. Exigeant l’instauration de l’état d’urgence climatique, ils ont été rapidement évacués par les forces de police sous les gaz lacrymogènes.

Il est 10h ce vendredi 28 juin et la chaleur estivale s’intensifie sur le pont au Change, dans le centre de Paris. Quelques militants et sympathisants de “XR”, éparpillés en différents groupes, attendent sur le trottoir l’événement annoncé par le collectif Extinction Rébellion. L’objectif : bloquer un pont sur la Seine, afin de se faire connaître du grand public et des médias français, et demander l’instauration de l’État d’urgence climatique.

Des militant.es du collectif Extinction Rebellion déploient une banderole portant le symbole du collectif, sur le pont de Sully à Paris. Photographie : Pierre-Olivier Chaput pour Radio Parleur

Ne pas prendre la police par surprise afin de limiter la violence de la répression

Présent dans plusieurs dizaines de pays, le collectif Extinction Rebellion prône des actions radicales non-violentes pour alerter sur les catastrophes écologiques en cours : du réchauffement climatique à la sixième extinction de masse sur Terre. Cette “première action d’envergure” en France, les militant.es du collectif la préparent depuis un mois. Elle a valeur de test avant la Rebellion Week en octobre prochain, explique Davux, militant. Elle s’inspire d’une action similaire réalisée à Londres le 17 novembre dernier par des militant.es britanniques du même mouvement. Ce jour-là, le collectif réussit une importante action de désobéissance civile non violente de masse, lorsque plusieurs milliers d’activistes parviennent à bloquer quatre ponts à Londres. Ce vendredi, l’objectif initial est présenté comme le pont au Change. Petit bémol : une compagnie de CRS est postée en face du tribunal de commerce, non loin. Impossible donc de se déployer pour les militant.es venus “en éclaireurs” et qui en réfèrent aussitôt au reste des activistes, réunis le matin dans un vaste hangar de la banlieue parisienne à Pantin. C’est dans ce lieu que, tôt le matin, le reste des activistes s’est réuni avec quelques médias pour un briefing et un entrainement à l’action non-violente. On y discute du mode d’action et du comportement à adopter en cas d’interpellation par la police.

La veille au soir, le collectif a prévenu la préfecture de police de Paris du lieu et de l’heure de leur action. Si celle-ci les a “félicité et remercié” pour leur initiative, elle ne semble pas disposée à les laisser couper la circulation impunément. S’appuyant sur un “plan B”, Extinction Rébellion décide donc de changer de cible et choisit cette fois le pont de Sully, de l’autre côté de l’île de la cité. L’action débute aux alentours de 13h. Les militants “XR” attendent que les feux passent au rouge et s’élancent pour bloquer la circulation à l’aide de chaines humaines ou en s’asseyant sur la route, de chaque côté du pont. Pendant ce temps, d’autres militant.es déploient sur le pont des drapeaux arborant le symbole de leur mouvement – un sablier entouré d’un cercle symbolisant la Terre – ainsi que plusieurs banderoles appelant à l’action pour le climat.

Une évacuation musclée, à coups de gaz lacrymo

La plupart des militant.es ont entre 15 et 30 ans, à l’image d’Atys, un lycéen qui vient de passer son bac et explique qu’il est présent pour « défendre son avenir ». A l’image d’Alternatiba ou d’ANV cop21, les militant.es “XR” prônent une contestation radicale et non-violente. Les forces de police mettent quelques minutes à rejoindre le pont occupé par les militant.es. Les CRS entourent alors le groupe assis au milieu du pont qui scande en cadence « Extinction Rébellion ! Extinction Rébellion ! ».
Deux policiers en civil discutent avec les organisateurs pour trouver un terrain d’entente et évacuer la voie publique. A travers le grésillement du talkie, un capitaine des CRS reçoit l’ordre d’évacuer le pont. Cinq sommations sont effectuées, demandant aux activistes écologistes de regagner le trottoir, sous peine de devoir utiliser la force. Mais la chaîne humaine formée par ces derniers fait bloc : il s’agit, en théorie, de tenir le blocage toute la journée. Un par un, les policiers tentent alors de décrocher les militants non-violents, qui s’agrippent les uns aux autres et encouragent les agents à les rejoindre. Incapables de briser la chaîne humaine, les CRS font usage de gaz lacrymogène et en déversent le contenu à courte distance sur les visages des manifestant.es -malgré la règle d’usage fixée à un mètre de distance. Après deux heures de confrontation, les CRS finissent par pousser les derniers manifestant.es à l’extérieur du pont. La chaleur caniculaire n’aide pas les militant.es, encore moins les sympathisant.es, espérés plus nombreux.ses par les organisateurs de l’action. Alors qu’il semble faire un malaise, un CRS est pris en charge par ses collègues, comme le rapporte le photoreporter Stuv, présent pour le média Reporterre. Pour autant, les militant.es “XR” appellent à se retrouver pour la « semaine internationale de la rébellion », au cours de laquelle les actions de ce type devraient se multiplier un peu partout en France et dans le monde.

C’est dans une ambiance festive que les militant.es climatiques, non-violent.es, ont bloqué le pont de Sully. Photographie : Pierre-Olivier Chaput pour Radio Parleur

Des violences qui font réagir jusqu’au-delà de l’Hexagone

Les images et les vidéos de l’évacuation ont suscité l’indignation du public sur les réseaux sociaux. Invité ce dimanche sur le plateau de BFM Politique, le ministre de l’écologie François de Rugy a qualifié les manifestants d’Extinction Rébellion de « manifestants très radicaux » qui « ne proposent rien pour limiter les gaz à effet de serre ». Il ajoute que « le temps n’est plus aux manifs ». De son côté, le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, demande au préfet de police de Paris des explications sur « les modalités » de l’évacuation. “A la demande du ministre, une inspection technique CRS a été déclenchée et un rapport a été demandé au préfet de police sur les modalités de gestion de cette opération de maintien de l’ordre rendue nécessaire pour rétablir la circulation au cœur de Paris”, a déclaré à l’AFP le ministère de l’Intérieur. Une réaction qui tranche avec celle, observée jusqu’alors, par la police française et le ministère de l’Intérieur : très critiquées depuis plusieurs mois pour les violences policières observées durant le mouvement social des Gilets Jaunes, ainsi qu’à Nantes durant la fête de la musique et en d’autres occasions. Des critiques reprises ce vendredi par plusieurs journalistes travaillant pour des médias internationaux :

Un reportage réalisé par Thomas Hiahiani et Pierre-Olivier Chaput.