Après avoir abordé leurs souvenirs et leurs positions dans la lutte du Larzac (1971-1981), Christiane Burguière, Solveig et Anne-Marie Letort évoquent ce qu’il reste de cette période. Quelle mémoire en a-t-on gardé ? Comment s’organisent les femmes paysan·ne·s du Larzac aujourd’hui ? Quelles sont les nouvelles dynamiques ?

Au Larzac, “je ne me suis pas sentie jugée parce j’étais une femme”

Morgane Blanc a découvert le Larzac en 2005, un peu par hasard, au détour d’une randonnée de vacances. Depuis, elle est revenue et s’y est installée comme agricultrice. À Montredon, elle élève des brebis, avec son associée Clémentine. « Ici, il y a beaucoup d’ouverture, je n’ai a aucun moment senti que j’étais jugée parce que j’étais une femme […] Les gens disent que c’est super deux femmes… Et c’est là que j’ai réalisé : c’est vrai on est deux femmes, c’est rare ».

Morgane Blanc (à droite) et son associée Clémentine, dans la bergerie de Montredon. Crédit : Noan Ecerly pour Radio Parleur.
Plateau du Larzac, août 2020, documentaire "Larzac, des femmes face à l'armée".
Une fois par jour, Morgane sort les brebis dans les champs aux alentours. Crédit : Noan Ecerly pour Radio Parleur.

Un demi-siècle de féminisation des exploitations

Aujourd’hui, une dizaine de femmes sont cheffes d’exploitation sur le territoire. « En trois générations, on voit comment les choses évoluent », explique Solveig Letort. Il y a plus de 50 ans, les hommes menaient seuls l’exploitation. Un renversement s’opère finalement au cours de la lutte, lorsque de nouveaux·elles paysan·ne·s viennent s’installer sur le Larzac. Anne-Marie Letort, la mère de Solveig précise : « Les couples néoruraux qui se sont installés, les deux étaient dans l’agriculture. Et maintenant, on constate que dans les fermes du nord, la majorité des exploitations sont menées par des femmes ».

Plateau du Larzac, août 2020, documentaire "Larzac, des femmes face à l'armée".
Plateau du Larzac, août 2020, documentaire “Larzac, des femmes face à l’armee”. Morgane Blanc et ses brebis. Crédit : Noan Ecerly pour Radio Parleur.

« C’est important de l’écrire pour nos enfants »

En 1975, le premier numéro de Gardarem Lo Larzac paraît. À l’initiative des paysan·ne·s et habitant·e·s, ce journal avait pour but de raconter le quotidien du Larzac et la lutte. En fin de compte, près d’un demi-siècle plus tard, le journal existe encore, sous forme de mensuel. « J’ai écrit pendant plus de 20 ans une rubrique qui s’appelait Il y a 20 ans. J’ai repris à travers cette rubrique un peu toute la lutte », annonce Christiane Burguière, rédactrice.

Plateau du Larzac, août 2020, documentaire "Larzac, des femmes face à l'armée".
A la Brebis qui lit, la librairie de Montredon. Crédit : Noan Ecerly pour Radio Parleur.

En 2011, elle publie aussi un livre Gardarem ! Chronique du Larzac en lutte. Elle y détaille toute la chronologie de la lutte, donnant la parole aux acteuri·ces de ce combat, pour « ouvrir des fenêtres », ne pas donner son seul point de vue. Si Christiane Burguière a décidé d’écrire cette histoire du Larzac, c’était pour ne pas la perdre.« Je me suis dit j’écrirais l’histoire, car au moins je continuerais de la vivre, où je la revivrais », déclare-t-elle. Il est pour elle nécessaire de porter cette mémoire, pour les générations à venir : « C’est un remerciement pour tout ceux qui nous ont soutenus. Et puis la mémoire c’est important de l’écrire si on peut. C’est important de l’écrire pour nos enfants, pour nos petits-enfants ».

Larzac, des femmes face à l’armée, une série écrite et réalisée par Noan Ecerly. Photo de Une : Noan Ecerly pour Radio Parleur.

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Extraits sonores :

  • « La chanson du Larzac », par D.Loquet ; « Paysans du Larzac », allocution de Mr Courtin. CD Larzac 1973, Apal (Association pour l’aménagement du Larzac).

 

  • – Extrait de Michel Debré, dans le reportage « Affaire camp du Larzac », in Ina, distribué par l’Office national de radiodiffusion télévision française ; diffusé au JT Nuit, le 9 février 1972.  – Musiques sous licence creativecomons.org :  Sleep by Scott Buckley ; Days Past, by In Closing ; Changes by Meydän.

 

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