Dans une interview au long cours, Cédric Herrou revient sur la situation toujours tendue à la frontière franco-italienne, trois mois après la tempête Alex. Première arrestation, reportage du New York Times : à force d’anecdotes, il revient pour Radio Parleur sur des années de combat contre l’État et l’idéologie néolibérale.

Il a le parler modeste, Cédric Herrou. Le parler franc, surtout. Franc et sincère. Encore inconnu il y a six ans, l’agriculteur est désormais un symbole de fraternité et de solidarité en France. « C’est le côté David contre Goliath qui a plu aux médias », sourit-il. Cultivateur d’oliviers et éleveur de poules dans la vallée de la Roya (Alpes-Maritimes), Cédric Herrou participe depuis 2016, avec l’association Défends ta citoyenneté, à l’accueil de personnes migrantes à la frontière franco-italienne. Il est aujourd’hui à la tête d’une communauté agricole du mouvement Emmaüs, la première du genre en France. À ce titre, il accueille aussi des personnes en situation d’exclusion et de précarité.

Dans la Roya après la tempête, le sentiment de délaissement par les autorités perdure

Le 2 octobre, la tempête Alex s’abat sur les vallées de la Roya et de la Vésubie. Le fleuve Roya, si essentiel à la vie de la vallée et de ses habitant·es, sort de son lit. Il emporte tout sur son passage. Habitations, ponts et routes sont balayés. À tel point que trois mois plus tard, l’accessibilité à la vallée est encore réduite. « Dans la commune de Tende, un quart de la population est parti. Parfois faute de travail ou d’attache », constate Cédric Herrou. L’occasion pour l’agriculteur de se questionner à propos de l’impact humain sur le territoire où il vit. Et de revenir à l’essentiel en essayant de retrouver un semblant de vie dans la vallée. « On voit une belle solidarité. Et aussi des chantiers participatifs, pour nettoyer les bords de la Roya. » Une réflexion qu’il avait déjà initié autour de son exploitation, il y a un an.


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En effet, le célèbre CCH (pour « Camping Cédric Herrou ») n’accueille plus que quelques exilé·es désormais. Après avoir laissé son exploitation agricole à l’association qu’il avait créé en 2017, Cédric Herrou se rapproche d’Emmaüs France et a demandé à bénéficier des statuts de l’organisation. Pari réussi : Emmaüs Roya naît en juillet 2019. Elle se compose aujourd’hui d’une dizaine de personnes. On y croise plusieurs nationalités, parmi lesquelles un espagnol, un russe, un roumain, des sénégalais et des guinéens. « On revient à la source. On vit et on travaille en accord avec nos principes et nos idées au maximum. » Une façon de donner sens à un combat. « Vivons du combat et soyons heureux en luttant. »

« Je compare la gauche française à un surfeur niçois »

« J’en veux beaucoup à la gauche », soupire Cédric Herrou, qui revient sur la médiatisation des luttes, mais aussi sur leurs difficultés financières et stratégiques au temps du la crise sanitaire. « Moi je me bats pour des idées, pas pour des voix. » De La France Insoumise aux écologistes, l’agriculteur épingle les divergences et les reculs idéologiques. Allant jusqu’à comparer la gauche à un surfeur niçois. « Il attend pendant des mois, des années, une vague pour surfer dessus. Le problème c’est que c’est la droite qui fait la vague. Et la gauche se laisse porter là où la vague de droite l’emmènera. » Manque de confiance ou peur de porter des idées ? « On ne peut pas se corrompre avec des idées électoralistes », répond-il, déterminé à faire entendre sa voix par ses propres moyens.

Un entretien réalisé par Tristan Goldbronn. Photo de Une : Bastien Doudaine (potfolio).

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