C’est maintenant officiel : le baccalauréat 2020 sera évalué uniquement grâce au contrôle continu. Ce mode d’évaluation, au cœur de la réforme de Jean-Michel Blanquer, rencontre une forte opposition au sein du corps enseignant. Pourtant, face à la crise sanitaire, la décision semble inéluctable. Une aubaine pour le gouvernement ?

Des irréductibles professeur・es résistent toujours et encore à la cueillette de fraises. Ils et elles assurent au mieux la continuité pédagogique, en s’arrachant les cheveux sur les outils numériques. C’est dans ce contexte que le 3 avril, le ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer, annonce plusieurs mesures concernant le baccalauréat.

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Des élèves de terminale mitigé·es…

Pour les élèves de terminale, toutes les épreuves sont annulées. Le diplôme est délivré uniquement selon le contrôle continu, soit avec toutes les notes obtenues au cours des trois trimestres, hors période de confinement. Les appréciations et l’assiduité seraient également prises en compte.

Les nouveaux bachelier・es, qui ont leur bac en poche grâce à leurs bons résultats de début d’année, ne savent pas comment accueillir cette nouvelle. « J’ai l’impression de ne pas vraiment avoir mon bac », explique Tom, élève de terminale ES. « C’est comme s’il avait moins de valeur », complète Lara, en terminale STMG.

« Je pense aussi à celles et ceux qui n’ont pas forcément bien travaillé jusque-là, et qui comptaient sur le dernier trimestre de révisions et les épreuves », poursuit Tom. Pour celleux dont la moyenne générale de contrôle continu est inférieure à 10, c’est la case rattrapage en septembre.

… aux élèves de première désemparé·es

Contrairement aux terminales, les élèves de première devront passer leur oral de français. Il est maintenu à sa date initiale « dans la mesure du possible », précise toutefois le ministère de l’Éducation Nationale. Le programme sera en revanche allégé. L’épreuve écrite de français est remplacée par une note de contrôle continu. Enfin, la deuxième série d’épreuves communes de contrôle continu (E3C), est annulée.

Là aussi, les lycéen・es ne savent pas comment réagir. « On est encore dans le flou », soupire Léon, élève en filière générale. « Nous, les première, on a vraiment tout eu », rappelle Noé, en filière technologique. L’un comme l’autre évoquent la réforme du baccalauréat et notamment les fameuses épreuves d’E3C. Léon et Noé se souviennent tous les deux d’une mauvaise organisation de l’examen, ou encore de sujets très différents d’un établissement à l’autre. « On est des cobayes. Personne n’est à égalité dans cette réforme », lance Noé.

« Dans le contexte actuelle, c’était la décision à prendre »

Sur le fond, ce mode d’évaluation est aussi très critiqué par un certain nombre de professeur・es. Le mouvement contre les épreuves communes de contrôle continu a été stoppé par le confinement. Dans le contexte actuel, celleux qui ont lutté contre le contrôle continu reconnaissent aujourd’hui que c’est la meilleure solution.

« Autant je suis absolument contre l’idée d’un bac en contrôle continu en temps normal », insiste Céliane, professeure de SVT en région parisienne. « Autant, dans le contexte actuel, c’était la décision à prendre. Préparer un examen terminal à distance, on ne peut pas faire plus inégalitaire ». L’enseignante rappelle qu’à cause de la fracture numérique, beaucoup d’élèves ne peuvent plus travailler correctement.

 

Une décision qui va dans le sens des chefs d’établissements

Du côté du SNPDEN, le syndicat des chef·fes d’établissement, la volonté a toujours été d’aller vers plus de contrôle continu. C’est pourquoi l’annonce du ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer a été bien accueillie. « Maintenant, nous attendons des consignes claires de mise en application », précise Pascale Le Flem, secrétaire académique SNPDEN-UNSA en Bretagne. « Nous demandons aussi une simplification des modalités d’évaluation, et qu’elles ne s’opposent pas au principe d’égalité entre les élèves », ajoute-t-elle.

À l’inverse des syndicats des enseignant·es, le SNPDEN défend une évaluation par contrôle continu encore plus poussée. Pour le syndicat, la décision du ministre de l’Education va donc permettre d’envisager la fin d’année avec plus de sérénité et l’assurance d’un traitement équitable entre les élèves.

Les E3C : ennemi public n°1

En revanche, les membres du SNPDEN, eux non plus, ne sont pas satisfaits par la mise en place des E3C. « Ces épreuves sont très mal ficelées car elles sont ponctuelles, en plein milieu de l’année scolaire, comme un mini baccalauréat », explique Fabienne Le Flem. « C’est un mélange entre deux philosophies et tout le monde est d’accord pour dire que c’est un échec ».

Si leurs arguments diffèrent, ils rejoignent ainsi les professeur・es mobilisé・es sur cette question. Ces dernier·es pointent également du doigt les E3C et leurs nombreux dysfonctionnements : des banques de sujets pauvres, des fuites sur Internet, des éloignements avec le programme ou encore des conditions d’examen désastreuses.

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« Un contrôle continu, ça entérine aussi tous les échecs de l’élève », explique Céliane. « On l’a constaté cette année avec les élèves de Première qui testent le bac Blanquer. » La professeure défend un droit à l’erreur totalement remis en question par un système qui sanctionne plus durement les échecs. « C’est complètement anti-pédagogique », insiste-t-elle. 

Contrôle continu : la lutte continue !

La communauté éducative mobilisée craint que le gouvernement profite de la situation exceptionnelle pour adopter de force ce type d’évaluation. Clément, professeur d’économie, est membre du « Collectif contre les Réformes Blanquer du bac et des lycées et contre Parcoursup’ » en Ille-et-Vilaine. Il rappelle qu’avant le confinement, le mouvement social contre les E3C et le contrôle continu n’avait jamais été aussi fort. « Depuis le début du confinement, on échange beaucoup sur le sujet et la lutte continue de s’organiser, même si l’action collective est entre parenthèse ».

En revanche, Clément ne croit plus dans le dialogue avec le ministère de l’Education. « Il n’y a jamais eu de ministre de l’Education qui soit autant braqué sur une ligne », dénonce-t-il. « Selon lui, les enseignants ne se rendent pas compte des réalités. Il fait seulement semblant de nous écouter et ne prend pas en compte de qu’on dit ».

S’il reste des incertitudes quant à la reprise effective des cours cette année, il n’y a en aucune sur la mobilisation des professeur・es contre les réformes du lycée et du baccalauréat. « Notre objectif reste l’abrogation totale de toutes les réformes Blanquer », conclut Clément.

Un reportage réalisé par Augustin Bordet. Photo de Une : Violette Voldoire

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