La deuxième journée manifestation contre le projet de réforme des retraites s’est déroulée à Paris dans un calme inhabituel, malgré la forte présence policière tout au long du parcours. À la veille des annonces du gouvernement, un immense cortège de tête a agrégé une grande partie des 180 000 manifestants annoncés par les syndicats dans la capitale.

Du froid, du soleil, et un jeu de piste pour une fois sans gaz lacrymogènes. Après le succès de la première journée de mobilisation jeudi dernier, les opposant⋅es au projet de réforme des retraites s’étaient, à nouveau, donnés rendez-vous ce mardi dans les rues de Paris et dans de nombreuses villes de France. Dans la capitale, 180 000 personnes selon les syndicats ont défilé. Au niveau national, selon le ministère de l’intérieur, 339 000 personnes ont manifesté, les syndicats annonçant 885 000 manifestant⋅es. Des chiffres importants mais environ deux fois moins élevés que ceux annoncés le 5 décembre dernier.

A Paris, le 10 décembre 2019. Photo Pierre-Olivier Chaput pour Radio Parleur.
Cortège étudiant contre le projet de réforme des retraites, à Paris, le 10 décembre 2019. Photo Pierre-Olivier Chaput pour Radio Parleur.

La manifestation devait partir à 13 h 30. Elle s’est élancée une heure plus tard, le temps pour beaucoup de manifestant⋅es de parvenir à la rejoindre. Si certain⋅es ont réussi à atteindre les cortèges sans détour ni contrôle, pour d’autres, cela a été un véritable jeu de piste. La préfecture de police a déployé des grilles anti-émeutes dans de nombreuses rues, jusque dans des quartiers loin du parcours déposé comme à la place de La Madeleine. Les participant⋅es ont ainsi continué à affluer sans arrêt pendant au moins une bonne heure après le départ de la manifestation.

Un “cortège de tête” particulièrement fourni

À l’avant, on retrouve l’habituel “cortège de tête”, bigarré et radical. Il rassemble un grand nombre de manifestant⋅es en une multitude de cortèges et regroupements. Il s’est, dès le début de l’après-midi, doucement étalé le long des boulevards. Cette troupe de manifestant⋅es avance tantôt concentrée, tantôt disparate, tandis que la police ferme toutes les rues transversales. Les étudiant⋅es, lycéens et lycéennes sont présent⋅es en nombre, suivi par des cheminot⋅es, salarié⋅es de La Poste, et autres groupes de personnes syndiqué⋅es.

Le long des rues flotte comme une réminiscence du mouvement contre la loi travail de 2016, les Gilets Jaunes en plus. Ce cortège de tête version décembre 2019 est, à l’avant des services d’ordre, le cœur vivant de la manifestation. Autant un espace de circulation multidirectionnelle qu’une marche vers le point d’arrivée, les traditionnels drapeaux rouges et noirs flottent au-dessus de ses rangs et côtoient ceux des partis, des syndicats, les drapeaux pirates et autres créations maison.

A Paris, le 10 décembre 2019, contre le projet de réforme des retraites. Photo Pierre-Olivier Chaput pour Radio Parleur.

“RIEN À NÉGOCIER”

Dans les cortèges, beaucoup de salarié⋅es grévistes de la RATP sont présent⋅es, et en colère. “RIEN À NÉGOCIER”, affichent, sur une banderole, les travailleurs de la ligne 13 du métro. Sur un véhicule du syndicat Sud Santé Sociaux, une banderole réclame “400 € pour tous”. Et les syndicalistes de préciser : “Pas en primes, en salaire !”

Il est 14 h 20 et le boulevard des Invalides est rempli de la place Vauban jusqu’à l’hôpital Necker. Durant le laps de temps où le cortège de tête s’est progressivement aggloméré, les policiers motorisés des BRAV-M en profitent pour venir poser, sans les motos, devant les gendarmes mobiles qui gardent l’une des rues transversales. Ils repartent quelques minutes plus tard sous les huées des manifestant⋅es.

Un cortège internationaliste entonne à pleine voix : “Le SMIC à 10 briques, la retraite à 20 ans !”. Les messages de soutien aux révoltes en cours, de Hong-Kong au Chili, y sont nombreux. Sur les côtés, de nombreux rangs de policiers collent le défilé. La pointe du cortège encourage les mouettes et les goélands qui tournent autour du drone de la police à faire chuter l’engin, qui bat vite en retraite. L’absence d’affrontements et les rayons de soleil font de la manifestation l’une des marches les plus détendues des derniers mois.

Une rue bloquée par la gendarmerie, à Paris, le 10 décembre 2019. Photo Pierre-Olivier Chaput pour Radio Parleur.

Edouard Philippe parle ce mercredi : “Je pense que ça n’ira pas dans notre sens.”

À la veille des annonces du Premier ministre Édouard Philippe, prévues ce mercredi à 20h, il est fort probable que ce soit également loin d’être la dernière mobilisation. “Il faut maintenir la pression” lance un manifestant. Sur les futures annonces du chef du gouvernement, “j’attends quelque chose, mais je ne m’attends pas à grand chose”, anticipe Sabrina, Gilet Jaune. “Je pense que ça n’ira pas dans notre sens.” Une réaction qui trouve son écho dans les innombrables “Aujourd’hui dans la rue, et demain on continue !” entendus tout le long d’un parcours qui s’est terminé à la lumière des torches fumigènes sur la place Denfert-Rochereau.

Un reportage réalisé par Romane Salahun et Pierre-Olivier Chaput. Photographie : Pierre-Olivier Chaput.

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