Procès Baupin, “Ligue du Lol”, agressions sexuelles chez les jeunes communistes : le premier livre de Valérie Rey-Robert, “Une culture du viol à la française, du troussage de domestique à la liberté d’importuner”, paraît dans un contexte très chargé. Radio Parleur a rencontré cette militante féministe, connue pour son blog “Crêpe Georgette”.

La culture du viol. L’expression – dont l’utilisation est encore récente en France – peut étonner lorsqu’elle est entendue pour la première fois. Elle désigne le viol tout en allant au-delà, afin de “montrer qu’il n’est pas un phénomène rare et accidentel”, précise Valérie Rey-Robert dans son livre. Si les violences sexuelles perdurent autant dans nos sociétés, c’est parce qu’elles s’inscrivent au sein d’un système profondément sexiste. Il se normalise dans nos vies et s’exprime à travers des croyances, mythes et idées reçues autant sur le viol, les agresseurs et leurs victimes.

Valérie Rey-Robert s’attarde à déconstruire l’image du violeur présenté comme un monstre dangereux attaquant ses victimes dans un parking ou une ruelle sombre, qui se transmet dans l’imaginaire collectif. Pour l’autrice, il y a plusieurs raisons à ce mythe persistant. “Pour les femmes, ce serait extrêmement difficile d’admettre que les hommes qui risquent de les violer sont des proches. Le lieu où elles risquent le plus d’être violées est leur domicile, pourtant considéré comme un espace de sécurité”. Ce mythe agit comme un déni volontaire pour ne pas se confronter à la violence de la réalité. Pour les hommes, la démarche est similaire mais vise à protéger leur image : “dire que le violeur est l’homme du parking aide à une mise à distance et leur évite de s’interroger sur leurs propres comportements”.

Une violence française

Le livre frappe fort dès sa première phrase introductive : “Un demi-million, le nombre de femmes majeures victimes de violences sexuelles de toute nature en France métropolitaine chaque année”. Accompagnant son travail d’une large bibliographie et de sources chiffrées, Valérie Rey-Robert est claire : la culture du viol est partout et elle est systémique. Si les schémas sont similaires, il n’en reste pas moins que son expression est propre à chaque pays et à la culture en place.

En France, la culture du viol s’inscrit dans le patrimoine national : le “charme à la française” et la “liberté d’importuner” défendue dans une tribune signée par un collectif de 100 femmes, en réaction à la libération de la parole pendant #MeToo. Les femmes – notamment féministes – dénonçant les agressions sexuelles, harcèlements et viols y sont pointées du doigt comme des hystériques qui exagèrent en s’en prenant à ce qui fait l’ADN de la France. La culture du viol s’inscrit dans tous ces réflexes intériorisés qui facilitent la perpétration des violences sexuelles. Si la vague #MeToo a permis une large libération de la parole, l’écoute se fait encore timide. Pour Valérie Rey-Robert, “on sait qu’il y a une augmentation des plaintes mais c’est trop tôt pour dire si #MeToo a changé les choses”. L’actualité, à travers le procès Baupin, la Ligue du Lol ou les récentes révélations sur les violences sexuelles dans le mouvement communiste montre que la culture du viol est à l’oeuvre encore aujourd’hui, dans différentes strates de la société, y compris dans des milieux politiques dits féministes.

Le livre “Une culture du viol à la française, du troussage de domestique à la liberté d’importuner” a été publié le 21 février chez Libertalia.

Crédit photo Yann Lévy – Hans Lucas.