Le soleil de plomb n’a pas réchauffé les cœurs. Jeudi 21 mai à Argenteuil, une marche blanche a rendu hommage à Sabri Chouhbi. L’accident qui a tué le jeune homme soulève beaucoup de questions, notamment sur la responsabilité présumée d’une voiture de police banalisée.
Les marcheurs et marcheuses étaient en noir. Sur les tee-shirts, l’inscription en lettres banches “Lumières pour Sabri“. L’enquête vient à peine de commencer qu’elle met déjà en colère famille et proches du jeune homme de 18 ans, décédé le 17 mai dernier. Elle devra déterminer si une voiture banalisée de policiers a, comme l’affirment certains témoins, dévié la trajectoire du jeune conducteur.
Les parents n’ont pas encore porté plainte, mais le parquet de Pontoise a déjà ouvert une enquête préliminaire et écarté la piste de la course-poursuite. Il estime que le motard a perdu seul le contrôle de son engin, dépourvu d’éclairage. Les avocates de la famille, Lucie Simon et Camille Vannier, présentes à la marche blanche pour Sabri, trouvent ces conclusions bien hâtives « après seulement deux jours d’enquête ».
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“A chaque fois, l’IGPN classe l’affaire”
Vikash Dhorasoo, ancien footballeur et co-tête de liste France Insoumise pour la mairie de Paris, tenait à être présent. Cette affaire soulève pour lui le sentiment d’impunité des policiers responsables de violences : “Il y a un problème avec les habitants des quartiers populaires, considérés comme des sous-citoyens. Ces morts ne sont pas grand-chose puisque chaque fois l’IGPN classe l’affaire. C’est normal que nos jeunes soient en colère“. Un sentiment très largement partagé par les participant・es à la marche blanche pour Sabri.
Les nuits qui ont suivis la mort de Sabri, la révolte s’est faite entendre à Argenteuil, à grand renforts de mortiers d’artifice. Deux jeunes de 20 ans ont été condamné à six mois de prison ferme en comparution immédiate, pour « participation à un groupement en préparation à des violences ou à des destructions ».
Une marche solennelle entre calme et colère
Sous la chaleur suffocante, plusieurs personnes sont prises de malaises. En ce mois sacré du Ramadan, beaucoup de jeûneurs・euses ont du mal à supporter cette journée estivale. Dans cette ambiance lourde, les habitant·es qui aspergent les marcheurs・euses avec leur tuyaux d’arrosage sont aussi bienvenu・es qu’incongru・es.
Le calme de cette procession cache une colère froide. Mara Kante fait partie des personnalités venues soutenir la famille : « Mobilisez-vous car vous êtes une cible. Pardon de vous le dire mais votre couleur, votre religion, votre quartier est une cible et demain vous pourriez être frappés de plein fouet par la tragédie qui touche la famille de Sabri aujourd’hui ». Condamné en 2007, il a passé plus de deux ans en prison, dont un an en isolement. Il a finalement été acquitté, victime d’une erreur judiciaire.
La mort de Sabri en rappelle d’autres
La marche blanche pour Sabri s’arrête sous les fenêtres des Chouhbi. La foule se tait pour une minute de silence, et des ballons blancs envahissent le ciel bleu. Les marcheurs・euses se rassemblent dans le parc des Cerisiers, et les proches de Sabri expriment tour à tour leur peine et leur soif de savoir.
La ville d’Argenteuil a déjà été endeuillée en 2009. Ali Ziri, 69 ans, est mort après une interpellation très brutale. Par ailleurs, les circonstances de la mort de Sabri rappellent à tous les participant・es à la marche blanche celle d’Ibrahima Bah, à Villiers-le-Bel le 6 octobre 2019. Le jeune homme avait perdu la vie sur son deux-roues après avoir croisé la route de la police.
Un reportage de Sarah Belhadi. Photo de Une : Sarah Belhadi.