Que risquera-t-on demain à brûler le drapeau, ou à siffler la Marseillaise comme au stade ? Le one man show La Marseillaise, en bref, de Jeremy Beschon, revient sur le premier épisode du genre dans l’Histoire française. À la fin du XIXème siècle, les “mauvais immigrés” ne sont pas maghrébins, mais italiens. Certains sifflent l’hymne français. Ils se feront massacrer par des gros bras patriotes, pendant trois jours de lynchage en plein Marseille.

En 1881, les travailleurs d’origine italienne se rassemblent sur le port de Marseille. Ils sont venus voir les troupes françaises de retour de Tunisie. Le pays vient de tomber sous la coupe de la France, échangeant la tutelle italienne pour le protectorat bleu-blanc-rouge. Sur le port, les italiens ne chantent pas. Au contraire, ils sifflent l’hymne national français, symbole de la défaite de leur pays dans la compétition pour la domination coloniale de l’Afrique.

Les vêpres marseillaises : trois jours de lynchage

Leur histoire se termine tragiquement, et porte un nom : les vêpres marseillaises. Pendant trois jours, les marseillais pourchassent les italiens, “sur fond aussi de concurrence ouvrière : les ouvriers immigrés italiens étaient accusés de casser les prix“, explique Jeremy Beschon, metteur en scène du collectif Manifeste Rien.

Leur sort n’émeut pas grand monde. Pourtant, au terme de trois jours de lynchage, trois italiens sont assassinés. Ce qu’on a voulu montrer, c’est qu’il n’y a pas que le bras qui frappe, avec le pogrom. Il y a aussi le bras qui arme, et celui-là est sous-tendu par un discours.La Marseillaise en bref, porté par le comédien Olivier Boudrand, s’appuie sur de nombreuses sources historiques, et revient également sur le procès qui a suivi le pogrom, “dans lequel le seul Français condamné à mort était le seul homme noir de la bande.” Les autres se contentent d’une peine au bagne.

Les médias, relai du racisme anti-italien

Il y a eu à l’époque, dans le traitement médiatique, une équivalence entre les nervis Français et les italiens, dont certains, alors qu’ils étaient victimes, ont également été condamnés,” explique Jeremy Beschon. Ce renvoi dos-à-dos, dans une symétrie des violences, des bourreaux et des victimes “est toujours manifeste dans les affaires de violences policières aujourd’hui“, défend le metteur en scène.

Quant à l’accusation d’être une “nation dans la nation”, comme diront certains journalistes des immigrés italiens à l’issue du procès, elle s’adresse désormais à d’autres. En 2008, lors d’un match amical France-Tunisie, le stade siffle l’hymne national français. Marine Le Pen saute sur l’occasion. Elle affirme ainsi que les siffletsvenaient non pas de supporters tunisiens venant de Tunisie mais de dizaines de milliers de jeunes maghrébins naturalisés français et communiant dans cette même exécration d’un pays dont ils ne se sentent absolument pas citoyens.

Le one-man show La Marseillaise en bref, d’après les recherches de Gérard Noiriel et Michelle Zancarini-Fournel, est mis en scène par Jeremy Beschon. Il est joué par Olivier Boudrand. La prochaine représentation aura lieu à Marseille le 30 avril, au musée d’Histoire de Marseille.


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Chaque semaine, retrouvez toutes les fictions de Radio Parleur sur un flux dédié aux créations sonores : Pagaille ! Les histoires sont vraies, ou presque. Lues dans la presse, entendues à la rédaction… ou vues dans un rêve devenu réalité. Toujours les deux pieds dans l’actu, et la tête baignée de mauvais esprit, l’équipe Pagaille a l’humour méchant et l’horizon révolutionnaire. Ce grand soir qui n’arrive jamais, on le rejoue donc à chaque fiction.

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Un entretien réalisé par Violette Voldoire. Photo de Une : Compagnie Manifeste Rien. Musique : The Royal Arctic Institute – From Catnap to Coma – First of the Eight.