C’est à Besançon, dans le froid et sous la neige, que se sont tenues les 2 et 3 avril dernier, les premières assises nationales des jardins populaires en lutte. Pendant deux jours des militant·es de jardins à défendre venu·es de toute la France se sont retrouvé·es. Au programme : réappropriation des terres, échanges d’expériences et surtout convergence des luttes avec un objectif, construire des alliances pour faire face aux bétonneurs.

D’Aubervilliers à Dijon en passant par Lille, Rouen ou encore Tourcoing, ils et elles se sont passé le mot. Tous et toutes ont fait le déplacement ce samedi 2 avril, à Besançon (Doubs) pour les premières assises nationales des jardins à défendre. Un week-end d’action qui a débuté par une marche en direction du quartier des Vaites. Là-bas, un projet d’écoquartier menace des terres maraîchères cultivés par des bisontin·es.

Aux Vaites, écoquartier contre jardins populaires

Cette histoire est un cas d’école. Comme aux Vaites, les projets menaçant les jardins populaires sont nombreux. À Besançon, les 34 hectares de terres maraîchères du quartier des Vaites sont destinées à être recouvertes par un écoquartier. Le projet est mené depuis 2005 par la mairie. La nouvelle majorité écologiste issue des élections municipales de 2020 met en avant une démarche participative, lancée dès l’élection. Elle a abouti, le 30 septembre dernier, à une décision favorable du conseil municipal. Un vote qui revoit toute de même à la baisse l’ambition du projet avec une emprise réduite à 16 hectares. Pourtant, ce rétrécissement ne contente pas les défenseur·ses des jardins.


Sur le même thème : Aux jardins d’Aubervilliers, écologie populaire contre bétonisation


Sur place, les militant·es dénoncent une fuite en avant, qui estiment que « le jardin populaire ne convient pas a l’œil bourgeois ». Ils et elles affirment que la ville n’est « absolument pas un secteur en tension », comme nous le révèle Claire Arnoux de l’association Jardins des Vaites. Une affirmation contredite par une partie des chiffres de vente dans le domaine immobilier mais l’enjeu est ailleurs. Il s’agit de maintenir une certaine qualité de vie pour les classes populaires de la ville. « C’est très drôle : quand on discute entre nous, on constate qu’ils (NDLR : les autorités et les promoteurs) utilisent les mêmes mots pour définir nos jardins. Ils attaquent sur les jardins populaires, c’est-à-dire les jardins de celles et ceux qui n’en n’ont pas.»

Un défenseur des jardins défile lors de la marche en direction du quartier des Vaites à Besançon. Crédit: Nabil Izdar pour Radio Parleur

Lorsque la marche arrive à proximité de tours d’habitations, un tracteur retourne la terre. Les personnes présentes délimitent une parcelle à l’aide de morceaux de bois. C’est tout une organisation qui se met en œuvre pour cette action de “réappropriation de terre” soutenue, entre autres, par la Confédération Paysanne. Prochainement, les militant·es prévoient l’installation de maraîcher·es, et la mise en place d’une “AMAPirate”  qui doit distribuer des paniers au pied des immeubles avoisinants. 

Des projets de bétonisation à contrecourant de l’Histoire

À l’heure où la lutte contre l’artificialisation des sols et l’autonomie alimentaire sont à l’ordre du jour, ces projets d’aménagement urbain suscitent l’incompréhension de Thierry Jacquot. Il est paysan et secrétaire national de la Confédération Paysanne. « Aujourd’hui le monde de la finance est devenu complètement fou. Il s’accapare et détruit les dernières ressources productives dont on a besoin pour se nourrir. Il faut absolument se battre pour préserver les terres agricoles qui disparaissent … ou qui sont détournées de leur vocation principale nourricière. »

Lors de la réappropriation des terres, chaque défenseur·se participe aux travaux de reprise des terres. Crédit: Nabil Izdar pour Radio Parleur

Un constat partagé par l’ensemble des militant·es des jardins populaires de France présent·es. Tous et toutes, sur leur territoire, mènent un combat acharné face aux promoteurs, souvent soutenus par la force publique. En ce week-end c’est « l’ouverture des assises des jardins populaires en lutte, car ce que fait la mairie de Besançon n’est pas du tout un cas isolé », nous confirme Claire Arnoux.

Terres et … échanges fertiles aux assises des jardins à défendre

Le 9 mars, les défenseur·ses des jardins d’Aubervilliers en Seine-Saint-Denis ont obtenu gain de cause après que la cour administrative d’appel de Paris a obligé la mairie à suspendre immédiatement les travaux de la piscine d’entraînement des Jeux olympiques de Paris 2024. Au total dix neuf parcelles de jardins ont déjà été détruites pour la construction d’un solarium. Une victoire qui apporte sont lot d’expertise, à l’heure où s’ouvre a Besançon, les assises des jardins populaires. Dans le cadre de plusieurs moments d’échanges, les militant·es partagent ainsi des situations de résistance similaires. Les assises sont l’occasion d’une mise en commun de savoir et de pratiques pour faire front localement.

Dix neuf parcelles des jardins d’Aubervilliers ont été détruit en septembre au début des travaux de la piscine olympique. Crédit: Nabil Izdar pour Radio Parleur

Alors que le dernier rapport du GIEC alerte sur l’urgence d’agir pour préserver la nature, la volonté d’urbanisation des promoteurs immobiliers ne semble pas s’infléchir.  Le lundi suivant les assises de Besançon, Radio Parleur a rendez-vous avec Dolores. Membre du collectif Jardin à Défendre d’Aubervilliers, elle nous révèle ce qui s’est dit lors des échanges de la veille, interdits aux journalistes. « Sur la journée, il y a eu des ateliers avec différentes thématiques. On a échangé nos expériences, réfléchi ensemble. On va publier des actes. L’idée, par la suite, c’est de faire une sorte d’ouvrage pour soutenir de nouvelles luttes », et ainsi proposer aux habitant·es en lutte. Un mode d’emploi pour résister à l’appétit des promoteurs et peser sur les projet urbanistiques de bétonisation des terres.

Un reportage de Nabil Izdar. Photo de Une : Nabil Izdar pour Radio Parleur. Identité sonore Actu des Luttes : Etienne Gratianette (musique/création) et Elin Casse, Antoine Atthalin, Romane Salahun (voix). Photo de Une : Coline Rivet pour Radio Parleur.