Les 14 et 30 mai 2021, deux livreurs Uber Eats sont  agressés durant leur service. Violences physiques, remarques racistes ou discrimination : c’est le quotidien d’un grand nombre de livreurs, livreuses, de conducteurs et de conductrices de VTC. Dans l’Actu des Luttes cette semaine, ils et elles prennent le micro et dénoncent la réaction insuffisante de leurs employeurs face au phénomène.

 14 mai 2021, Yaya Guirassy  reçoit a Laval un message sur son téléphone portable “dépêche toi esclave”. Il s’apprête à livrer un repas à une cliente. Quelques minutes plus tard, un second message s’affiche : ” je vais te donner 1 centime tu ne mérites que ça”. Quelques jours plus tard le 30 mai, c’est un autre livreur, Joseph Dieugrot, qui est frappé et traité “d’esclave” et de “Sale Noir” alors qu’il attendait une commande a Cergy.

Face au racisme, c’est la médiatisation qui fait bouger Uber

“Il m’avait demandé d’éteindre mon enceinte. J’ai refusé mais j’ai baissé le son. Il était pas content. il a agi malhonnêtement et a tenu des propos malhonnêtes. Ce jour-là, c’était vraiment choquant”. La “cause” de l’agression : un chant évangélique. Les violences subies par Joseph Dieugrot ont suscité une vive émotion après la diffusion sur les réseaux sociaux de la captation video réalisée par la voisine du restaurant Brasco, à Cergy, dans le Val d’Oise. L’agresseur, Mourad.D a été condamné à 2 ans de prison ferme le 8 juillet. Une décision judiciaire dans une affaire qui aura aussi impacté le propriétaire du restaurant. Assimilé, à tort, à l’assaillant, il a reçu des menaces de morts.

Peu après ces évènements, l’entreprise Uber a crée sur son application un bouton “stop discrimination”. Il est censé prévenir d’éventuels actes discriminatoires ou racistes. Un premier geste, mais une réaction tardive qui pose question. Quelle est l’implication de la firme pour lutter contre le mauvais comportement de clients envers ses livreurs ? Pourquoi attendre la médiatisation de cette agression raciste malgré de nombreuses remontées ces derniers mois par des livreurs, chauffeurs VTC et autres travailleurs et travailleuses “indépendant.e.s” employés par les plateformes ?


Pour aller plus loin: Pourquoi les précaires des plateformes se rebellent, avec Sarah Abdelnour.


Après une agression, l’algorithme comme seul interlocuteur

Pour Charifa, ancienne chauffeur Uber déconnectée, la réponse est sans équivoque: “quand il y a un problème pour un chauffeur, il [Uber, NDLR] ferme les yeux. Quand il y a un problème pour un client, là, il commence a faire des enquêtes.”

À ce jour, Charifa ne sait toujours pas pourquoi son compte a été définitivement suspendu alors qu’elle détenait une note de 4,94 sur 5.  Elle pense que cela est lié a un mauvais retour d’une cliente parce qu’elle portait un voile lors d’une course, peu avant sa déconnection. “Elle m’a insulté par rapport à mon voile. Par rapport au fait que je sois étrangère” raconte Charifa. L’ex-chauffeur Uber n’a toujours pas eu de retour de son ancien employeur, malgré plusieurs tentatives : ” ils ne m’ont même pas donné la possibilité de m’exprimer “. Quand elle cherche un interlocuteur, le constat est brutal. “C’est un ordinateur derrière, ce n’est pas un être humain”.

Un épisode de l’Actu des Luttes réalisé par Nabil Izdar. Présentation et coordination éditoriale : Martin Bodrero. Photographie de une : Nabil Izdar.
Identité sonore Actu des Luttes : Etienne Gratianette (musique/création) et Elin Casse, Antoine Atthalin, Romane Salahun (voix)