Près de 10 ans après l’apparition d’Uber et des plateformes de VTC en France, les chauffeurs se battent toujours pour faire reconnaitre leurs droits. Au mois de mars, une mission gouvernementale a rendu des arbitrages. Les collectifs et syndicats dénoncent des négociations qui ignorent leur principale revendication : la reconnaissance sociale des travailleurs et travailleuses des plateformes.

Voilà déjà trois mois, un vendredi 12 mars, qu’une mission gouvernementale a rendu un rapport au gouvernement. Une mission coordonnée par Bruno Mettling, ex-directeur des ressources humaines d’Orange. Ce « rapport Mettling » devait «offrir un nouveau cadre régulant le dialogue social » entre travailleur·euses indépendant·es et plateformes numériques. Las, les représentant·es des deux secteurs majoritairement touchés par l’uberisation du travail, les VTC (véhicules de tourisme avec chauffeurs) et les livreurs a vélo, trouvent que le compte n’y est pas, loin de là. 


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Un mois et demi plus tard, le 28 avril, à la sortie d’une réunion qui s’est tenue un jour de manifestation pour VTC et les livreurs à deux pas du ministère du Travail, Brahim Ben Ali, Secrétaire Général du syndicat de VTC INV, est toujours très remonté. «Pourquoi c’est aussi long d’organiser des élections de représentants de la profession ? »
Il critique vertement cette mission Mettling, un «médiateur sans réels pouvoirs ». « On a demandé une autorité de régulation. Comme un arbitre capable de suspendre l’exercice des plateformes pendant six mois quand il y a des manquements de leur part », lâche-t-il. Le problème n’est pas le dialogue, explique-t-il, mais le rapport de force. « Nous, on a pas eu besoin du gouvernement pour avoir un dialogue social. Ça fait des années que l’on négocie. On a le sentiment que tout est fait pour faire gagner du temps aux plateformes. »

Des élections de représentant·es annoncées pour 2022 dans le rapport Mettling

Actuellement, le rapport Mettling propose la création d’une Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (ARPE). Il s’agit d’un établissement public dédié à la régulation des relations sociales entre plateformes et travailleur·euses indépendant·es qui recourent aux plateformes. Autre proposition présentée par le ministère comme une avancée : la mise en place, dès 2022, d’une élection électronique nationale à un tour pour élire des représentant·es de la profession.
D’après le texte, les organisations syndicales et associations seront reconnues éligibles dans ces élections professionnelles. «Le problème, c’est que tout le monde va pouvoir être candidat », réagit Arthur Hay, livreur à vélo et syndicaliste CGT. «Il suffit d’avoir une structure qui a un an d’existence, et d’inscrire dans les statuts de son association la volonté de défendre les intérêts des travailleurs de plates-formes. » Comme aucun contrôle n’est prévu à ce stade, les porte-paroles des VTC et des livreurs craignent de voir émerger des associations financées par les plateformes, et donc, au service de leurs intérêts.
Les syndicats et collectifs veulent continuer à maintenir la pression sur le gouvernement. Ils tentent des construire des convergences entre les travailleur·euses des domaines touchés par l’uberisation. Un premier rassemblement de VTC en voiture et de livreurs a vélo est d’ores et déjà prévu 18 juin prochain.
Un épisode de l’Actu des Luttes présenté par Martin Bodrero, reportage réalisé par Nabil Izdar. Photographie de une : Nabil Izdar pour Radio Parleur.