Jeudi 7 juin, plus de 600 personnes ont manifesté dans la capitale pour défendre les droits des accompagnant‧es d’élèves en situation de handicap (AESH). Ils et elles représentent aujourd’hui près d’un‧e agent de l’éducation nationale sur dix, mais travaillent encore dans des conditions très précaires. Nous sommes partis à la rencontre de ces AESH, garant‧es de l’inclusivité à l’école.
Attablé devant son ordinateur, cheveux mi-longs et regard perdu à la recherche d’une solution à son problème de math, Jules prépare son brevet des collèges. À ses côtés, Erwan, son AESH. Son frère jumeau, Victor, est déjà retourné en classe. « Depuis quatre ans, je m’occupe de ces deux enfants qui ont été diagnostiqués autistes Asperger. On a pu observer une réelle amélioration », raconte Erwan, 27 ans. « Au début, je passais la plupart des cours assis avec eux. Mais maintenant ils sont dans deux classes différentes et je viens lorsqu’ils en ressentent le besoin. Le but est qu’ils gagnent en autonomie. »
Entre explication de cours, travail à la maison et instauration d’outils pédagogiques adaptés, Erwan a des journées bien remplies. Son accompagnement permet aujourd’hui aux deux jeunes collégiens de suivre une scolarité ordinaire. Pourtant, cela a longtemps été difficile.
Manque de formation et bricolage pédagogique
Erwan s’est lancé dans ce métier après des études en communication et une brève expérience auprès d’adultes handicapés. Un bagage assez léger, quand on sait qu’il s’occupee de ces deux élèves autistes sans formation supplémentaire. « Quand je rencontre les enfants, je pense que les six premiers mois, je suis nul comme pas permis avec eux. Travailler avec Victor était vraiment difficile. Il était en souffrance de voir que je ne l’aidais pas de la bonne façon. Moi, j’étais en souffrance de ne pas y arriver », explique l’AESH en se remémorant ses débuts laborieux.
Heureusement, la situation s’est améliorée. Erwan a profité de son temps libre pour se renseigner. Il a rencontré les thérapeutes et les orthophonistes qui accompagnent Jules et Victor. Grâce à leurs échanges, il met en place des techniques adaptées. « Victor a du mal avec le langage oral. Donc, si je lui réexplique juste les notions à l’oral, il ne va rien comprendre. Je passe donc davantage par l’écrit, par des schémas – aujourd’hui, ce sera un arbre de probabilité. Mais je n’ai reçu aucune formation pour ça. C’est juste le temps qui me l’a appris ».
Normalement, une formation d’une soixantaine d’heures est prévue lors de la première année d’exercice. Elle est constituée de divers modules sans cependant aborder les spécificités des différents handicaps. Mais les accompagnant‧e s sont nombreux‧ses à arriver sur le terrain sans y avoir assisté.
Une précarité qui passe de plus en plus mal
Le manque de formation n’est pas la seule préoccupation des AESH, anciennement AVS (auxiliaires de vie scolaire). Erwan est chanceux : il a été embauché par la famille des deux jumeaux, au lieu de traiter directement avec l’Éducation Nationale. Cela lui permet d’avoir un contrat annualisé, un salaire brut de 1512 euros et de pouvoir suivre les mêmes élèves depuis 4 ans.
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Cependant, la plupart des AESH de la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) ont un temps partiel imposé de 24 heures maximum, avec un contrat sur 36 ou 41 semaines. La rémunération tourne, elle, autour de 790 euros. C’est ce manque de reconnaissance qui les a poussé‧es à descendre dans la rue le 7 juin.
Malgré les recrutements, un manque d’AESH toujours flagrant
Avec la loi de février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, les gouvernements successifs ont fait des efforts pour améliorer l’accès de tous les élèves à l’école. Depuis, le nombre d’enfants handicapés scolarisés a pratiquement triplé. Les AESH jouent un rôle clé dans cette évolution, mais n’ont toujours pas de vrai statut.
Au milieu des drapeaux de Force Ouvrière, de la CGT ou encore de Sud-Éducation, Delphine, a rejoint la marche. Elle est très déçue par ses conditions de travail : « j’aime ce que je fais, mais aujourd’hui, je travaille avec cinq enfants dans cinq classes différentes. Normalement, ils ont chacun 12 heures et là, je ne peux faire que cinq heures avec eux, car je perds du temps à aller de classe en classe et à aider d’autres enfants qui n’ont, pour l’instant, pas de dossier. » Malgré un nombre de plus en plus élevé d’AESH – ils sont aujourd’hui près de 115 000 – le personnel manque encore. En effet, le nombre d’élèves en demande augmente plus vite que que les personnes recrutées.
Depuis, 2019, des pôles inclusifs d’accompagnement localisés (PIALS) sont en train d’être mis en place dans tout le pays pour remédier à cette problématique. Les accompagnant‧es sont nombreux‧ses à souligner leur manque de pertinence. En effet, avec leur mise en place, les AESH ne sont plus rattaché‧es à des élèves, mais à des zones géographiques. Ils et elles doivent s’occuper de plus en plus d’enfants. Surtout, iels peuvent être réassigné‧es à une nouvelle personne d’un moment à l’autre. A la fin de la manifestation, cinq représentant‧es syndicaux ont été reçu‧es par le ministère de l’éducation. Selon le syndicat FSU, aucune proposition n’en est ressortie.
Un reportage d’Alizée Cheboub. Photo de Une : Alizée Cheboub pour Radio Parleur.
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