Vue d'un camp d'exilé.e.s à Calais en Aout 2016. Photographie : Javi via licence Creative Commons BY-SA 2.0

À Grande-Synthe malgré la solidarité, des exilé·es toujours plus démuni·es

À Grande-Synthe, les associations, nombreuses, viennent en aide aux personnes exilées réfugiées là en attendant de pouvoir passer en Angleterre. Mais face à la pénurie d’hébergements d’urgence, les abris faits de bâches et de tentes ne suffisent pas.


Jeudi 14 janvier, il neige dans les sous-bois du Puythouck. Située en bordure de la ville de Grande-Synthe (Nord), cette réserve naturelle sert d’abri de fortune pour 300 personnes exilées. La température négative et les sols détrempés ne donnent aucune envie de passer la nuit ici. Pourtant, certaines personnes dorment là chaque soir, sous des tentes et des bâches, faute de places en hébergement d’urgence.

Des conditions de vie difficiles

Les associations, très nombreuses, se partagent les diverses distributions dans les campements informels : nourriture chaude, vêtements, chaussures, tentes et autres équipements. L’association Salam, fondée en 2002 à Calais à 25 kilomètres de là, assure les repas quatre fois par semaine. Ses bénévoles cuisinent ensemble chaque matin pour distribuer soupes, ragoûts et salades de fruits aux personnes exilées à midi. Ce sont les commerçants de la ville qui les fournissent en denrées invendues. Claire, qui gère l’antenne de Salam à Grande-Synthe, raconte les débuts de ces distributions : « Les gens qui voyaient des migrants leur portaient à manger. Ils faisaient cuire du riz et des lentilles dans leur garage. À force de se trouver ensemble, on a créé une association, parce qu’on est plus forts pour s’organiser et face aux autorités. »


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Rahber, exilé kurde, est ici depuis un mois. En attendant de passer en Angleterre, il insiste sur les conditions de vie difficiles : « Pour moi, et pour toutes les personnes ici, le plus important c’est d’avoir un hébergement, un abri. Il fait froid, et il pleut. » Lisa, employée de Salam, s’inquiète des conditions d’hébergement : « C’est des tentes et des bâches, quand c’est pas détruit. Mais il y a de plus en plus de destructions donc le matériel est difficile à avoir. Je pense que tout le monde ne dort pas à l’abri. »

Rahber explique aussi que pour se doucher, il faut se débrouiller pour aller dans un hôtel, « toutes les deux semaines environ ». Surtout, « les policiers viennent souvent, ils déchirent les tentes et confisquent nos affaires ».

Mais que fait la police ?

En effet, des interventions de « mise à l’abri » sont assurées environ trois fois par semaine à Grande-Synthe, sur décision de l’État. Arnaud, qui travaille pour Utopia56, raconte : « Les policiers maraudent armés dans les bois pour repérer les campements et escorter les personnes jusque dans les bus. » Ces opérations policières ne laissent pas vraiment le choix aux personnes exilées, qui doivent sans cesse se déplacer. « Ils lacèrent les tentes, volent les affaires personnelles, et les laissent sans rien. » Le but de ces interventions ? Conduire les personnes exilées dans des Centres d’Accueil et d’Examen de la Situation (CAES). Ces centres, explique Arnaud « sont mis à disposition par l’AFEJI, une association mandatée par l’État. Ils se trouvent à Lille et ne sont pas du tout adaptés à des personnes bloquées à la frontière et souhaitant passer en Angleterre. »

Un dialogue complexe avec l’État

À la mairie, on qualifie le dossier de frustrant et difficile. « Des tentatives ont été faites, notamment pour implanter des toilettes sèches, mais ce n’est pas concluant. Nous mettons aussi à disposition une salle pour des activités de familles, certains jours », explique Hélène Verrièle, directrice générale adjointe de la ville en charge du dossier.

Mais c’est surtout le dialogue entre la mairie et l’État qui doit être préservé. C’est ce que montre la situation à Calais, depuis la destruction de la Jungle en 2016. Les gouvernements successifs se bornent à empêcher les installations et éviter les points de fixation. Sans proposer aucune véritable solution de long terme. Benoît Cuvillier, second adjoint du maire raconte les dessous de cette relation : « Aujourd’hui, si l’on a pas des installations pérennes, c’est que l’État n’y est pas forcément favorable. Entre ce qu’on aimerait faire et ce qu’on nous donne la possibilité de faire, il y a parfois des décalages. Mais c’est un sujet d’État, ce sont des compétences régaliennes. Il faut que l’État prenne aussi ses responsabilités en terme d’accueil digne sur notre territoire. »

Un reportage de Sophie Peroy-Gay. Photo de Une : camp de personnes exilé·es, Aubervilliers, 29 août 2019, Léo Lefrançois pour Radio Parleur (Camp

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