“#AlloPlaceBeauvau, c’est pour parler maintien de l’ordre”

Mercredi soir, vous avez vécu un direct exceptionnel sur Radio Parleur ! Nous étions en live depuis Nantes pour la captation intégrale de cette conférence consacrée aux violences policières. Un événement organisé par notre partenaire Médiacités Nantes. 

Aboubacar Fofana est mort à Breil, en juillet 2018. Steve Maia Caniço en juin, noyé dans la Loire, après une charge policière lors de la dernière fête de la musique. Il y a eu aussi des blessé・e・s par centaines depuis plus d’un an et le mouvement des Gilets Jaunes. On ne compte plus les entraves au droit de manifester, les blocages d’un centre-ville en état de siège, les face-à-face tendus, souvent émaillés de violences, entre manifestant・e・s et policiers. 

À Nantes, encore plus qu’ailleurs, les questions du maintien de l’ordre, de ses méthodes et de ses conséquences sont devenues un enjeu majeur du débat public. Pour en parler, notre partenaire Mediacités organisait ce 6 novembre une soirée débat.

Une table-ronde en présence du journaliste David Dufresne, créateur de #AlloPlaceBeauvau qui recense les violences policières sur Twitter. Il est l’auteur de Dernière sommation, livre entre fiction et réalité publié chez Grasset. Le dernier lauréat du grand prix du jury des Assises du journalisme de Tours dialoguera avec des journalistes, des universitaires et des militants associatifs.

Les invité・e・s présent・e・s pour ce débat :

– David Dufresne, journaliste.
– Goulven Boudic, politologue.
– Caroline de Benedetti, membre de l’Assemblée des blessés.
– Marc Depriester, membre de la Ligue des Droits de l’Homme.
– Elsa Gambin, journaliste pour Mediacités, Slate ou encore Vice.


Suite au témoignage d’Adrien, blessé par la police, lors du débat, le journaliste et auteur David Dufresne a souhaité réagir. Nous partageons ici sa publication :

La salle était comble, les organisateurs avaient refusé du monde, Nantes faisait sa Nantes, déterminée, concentrée ; Nantes voulait se raconter, et s’écouter.

Dans le public, un jeune homme élancé se tient debout, le regard fixe, tout en noir, sauf le regard, ni tout à fait sombre, ni tout à fait perdu.

Adrien, signalement Allo Place Beauvau 197 :

Le samedi 29 décembre 2018, cours des 50 otages, Adrien a reçu un tir de LBD sur le crâne. C’est l’acte VII des Gilets Jaunes, la seconde manifestation de sa vie, Adrien s’écroule.

Puis c’est le matraquage au sol par les forces de l’ordre, les sirènes, les cris, et les pompiers, et les jours et les nuits (cinq) au service de réanimation du CHU de la ville. On dit qu’il a frôlé la mort. Au réveil, c’est fracture du crâne, fracture de la mâchoire, de l’orbite, hémorragie cérébrale.

Hier soir, dans la salle associative de PolN, Adrien a fini par contourner l’estrade et accomplir l’impossible. Il a tiré une chaise, lui qui a tant de mal à rester assis. Il a fixé le public, lui qui vit dans la peur désormais.

Personne ne s’y attendait.

D’un léger sourire, Adrien s’est débattu. Voix blanche contre trou noir.

“Ce qui me manque ? Un bout de crâne. Depuis un an, ça se dégrade, si on peut dire…

Je vais de moins en moins bien. Avant, j’avais une vie un peu tranquille. Maintenant, je ne ne dors plus, je fais des crises épileptiques.

J’ai même peur de traîner dans la rue, je suis obligé de sortir au moins accompagné, je ne peux plus voir ni ce qui est pompier, urgences, flics.

Mes crises d’épilepsie, elles sont violentes. De jour en jour. c’est de plus en plus dur. J’ai été faire des radios il y a un mois…

Là haut, j’ai un fluide qui passe dans la tête, sauf que ce fluide là, il va former un caillou, sauf que ce caillou, au bout d’un moment, il va péter. Donc, je vais faire un arrêt cérébral. Je n’ai que 23 ans, si ça continue, à 26-27 ans, je ne suis plus là… à cause de cette merde…

Je ne peux plus travailler… J’ai du mal à parler parce qu’ils m’ont pété la mâchoire… Je veux plus rien faire, en fait… Même le vélo, courir, monter des escaliers, je peux pas…”

Quand Adrien a terminé, la salle a hésité. Une seconde ; puis deux, puis trois, de silence anxieux et regards croisés. Puis le public l’a acclamé. Tonnerre d’applaudissements. Adrien a souri, des amis l’ont embrassé, et Nantes était Nantes.

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