Venu-es de toute l’Europe, des milliers de militant-es se sont réuni-es ce week-end en Allemagne à Viersen pour une opération coup de poing, visant à paralyser une mine de charbon à ciel ouvert. Retrouvez les images de cette gigantesque mobilisation en attendant le reportage sonore de nos envoyés spéciaux.
Ende Gelände : “terminus” ou “fin de l’histoire” en Allemand. Ce nom ne vous dit peut-être rien. Pourtant, c’est l’une des plus grandes actions de désobéissance civile organisées en Europe. Depuis vendredi 21 juin, des milliers de militant-es venu-es de toute l’Europe se sont retrouvé-es près de Cologne, en Allemagne. Leur objectif : organiser le blocage des exploitations de charbon de l’ouest du pays. Une action de désobéissance civile gigantesque, qui s’inscrit dans la lignée de plusieurs autres opérations pour dénoncer le réchauffement climatique et l’utilisation des énergies fossiles.
Entre siège de mine et manifestation pour le climat
Le jeu du chat et de la souris avec les forces de police allemandes a commencé dès le vendredi matin. Après une journée d’entrainement la veille, au camp de base de Viersen, les activistes se sont élancé-es. Le même jour, entre 20 000 et 40 000 personnes venues de 16 pays différents, ont défilé à Aix-la-Chapelle. Elles répondaient à l’appel du mouvement Fridays for Future. Divisé en différents groupes – les fingers, les doigts – et vêtus de combinaisons blanches, les centaines d’écologistes du collectif Ende Gelände sont finalement parvenus à pénétrer sur le site de Garzweiler. Cette mine de lignite est située dans la Ruhr, à 20 km de Viersen. Samedi, nos journalistes ont accompagné l’un des groupes qui a réussi à pénétrer dans la mine.
Les activistes s’installent dans la mine, dans un décor lunaire entre sable gris et noir, cratères et coulées, et couvertures de survie. Internet est un peu capricieux, ce live-tweet va devenir plus léger.#EndeGelaendepic.twitter.com/ft8sNwc8xv
Cette mobilisation a été organisée par un important collectif mêlant des mouvements anti-nucléaires, contre l’exploitation du charbon, des groupes des camps climatiques en Allemagne, ainsi que des groupes populaires d’action pour le climat et de grandes organisations environnementales. Ende Gelände avait déjà connu deux actions de protestation en 2015 et en 2017, elles aussi dirigées contre les mines de charbon du bassin du Rhin. Cette année, le collectif a tenu à mettre en avant les villages menacés de destruction par les projets d’agrandissement de la mine de Garzweiler, à l’image de Keyenberg, une agglomération voisine.
Pour les actions, les activistes d’Ende Gelände (“En finir avec les mines”) revêtent ces combinaisons blanches ornées de leur blason. En plus de leur effet esthétique et masquant, elles permettent de réduire les dommages subis par les vêtements mis à rude épreuve. Photos Pierre-Olivier Chaput pour Radio Parleur
Un entrainement public a eu lieu jeudi avant les actions du weekend. Durant celui-ci, les militant-es ont exposé leurs techniques et leurs slogans devant la presse.
L’immense camp de base d’Ende Gelände comporte un grand chapiteau où se déroulent les assemblées, ainsi que de nombreuses autres tentes dédiées à la garde d’enfants, la cuisine ou encore la projection de films.
La veille du lancement des actions était en bonne partie consacrée à la répétition des tactiques, comme ici la traversée d’une ligne de policiers, joués par d’autres activistes armés de tubes en mousse.
Avant de s’élancer hors du camp le samedi matin, les activistes en ont fait le tour, en formation, à grands renforts de chants et fumigènes. Les drapeaux anarchistes, écologistes et antifascistes ont flotté au-dessus du camp comme dans les cortèges toute la durée des événements.
Des barrages policiers ont interrompu les différents cortèges à peine quelques centaines de mètres après la sortie du camp. Certains changent d’itinéraire pour les contourner et gagner quelques kilomètres.
Tandis que les policiers refusent de laisser le cortège avancer, quelques activistes en profitent pour se ravitailler au supermarché voisin, déambulant dans les allées encore vêtus de leurs combinaisons intégrales.
Le blocage du groupe argenté que nous avons suivi vendredi s’est quelque peu éternisé. Certains n’ont pas hésité à s’installer confortablement à l’ombre pendant que le trajet était négocié.
Les activistes s’organisent en grands groupes appelés “fingers” (“doigts”). A chacun sa couleur et ses banderoles, comme ici le finger argenté.
Au signal, les activistes s’élancent pour contourner les policiers. Plusieurs réunions entre les délégués des différents groupes composant le finger ont été nécessaires pour établir cette stratégie.
Des dizaines d’activistes sprintent à travers les lignes de policiers, prenant garde à ne pas se séparer. Au bout de plusieurs centaines de mètres, la Polizei finit tout de même par les rattraper.
La police allemande est elle aussi adepte de la pratique de la nasse. Au centre, en chasuble vert, une parlementaire du parti écologiste veille au bon déroulement de la manifestation et vérifie que les activistes sont traités conformément à la loi.
Forcée à prendre le train, une partie du finger argenté se rend dans la ville voisine de Cologne, où, après encore un trajet chanté en métro, un squat autonome les accueille pour la nuit.
Samedi en fin de matinée, une manifestation déposée s’élance sous le soleil. Elle doit traverser des villages dont la disparition est programmée à cause de l’extension de la mine de charbon.
Alors que la manifestation avançait sur une route qui longe la mine, les participant-es du finger doré bifurquent. Les policiers, dépassés malgré la présence d’un blindé et d’un canon à eau, ne peuvent les empêcher d’entrer dans le périmètre de la mine.
Une pente raide est dévalée par plus d’un millier de personnes, qui reprennent leur formation en colonne sitôt un replat atteint.
Les activistes d’Ende Gelände progressent dans le paysage désertique et abyssal de la mine de charbon. Ils se dirigent vers le bas de cette vallée artificielle en contournant les petits barrages sur leur route.
Les activistes sont stoppés alors qu’ils atteignent le niveau de l’excavatrice par un mélange de policiers et d’employés vếtus d’une tenue RWE, la compagnie qui possède la mine. L’arrêt est brutal, et plusieurs d’entre eux devront être soignés par les médecins qui suivent la manifestation.
Les activistes sont confinés en milieu d’après-midi au milieu de la mine. Dans cet espace gigantesque totalement dépourvu d’ombre et de végétation, les couvertures de survie sont déployées pour résister à la chaleur.
Après plusieurs heures en plein soleil, les policiers entament les arrestations. Celles et ceux qui ne suivent pas docilement se voient poussés, fortement maintenus au visage ou les poignets tordus pour les faire avancer.
Une sono, amenée par les soutiens présents en haut de la mine, ramène la bonne humeur. Des tubes sont diffusés suffisamment fort pour faire danser les bloqueurs de la mine toute la soirée.
Une personne interpellée est soulevée sous les cris de “This is what democracy looks like” (“C’est à ça que ressemble la démocratie”). Malgré les torsions et la douleur, les policiers parlent en permanence aux interpellé-es, leur demandant de marcher, ou simplement de dire s’ils et elles vont bien. Crédit Photo : Pierre-Olivier Chaput.
La police interrompt les interpellations vers le milieu de la nuit. Elles reprendront à l’aube, à quatre heures du matin, alors que plusieurs centaines de personnes ont passé la nuit au fond de la mine.
Les interpellé-es sont emmené-es à travers les chemins accidentés de la mine dans des camions-bus gigantesques conduits par des agents de la RWE. Ils et elles sont photographié-es malgré leurs peintures faciales avant d’être réexpédié-es par bus au camp de base.