Les manifestations et mouvements sociaux font l’objet d’une répression de plus en plus violente en France. Le documentaire Un pays qui se tient sage invite manifestant·es, chercheur·ses et policiers à confronter leurs points de vue sur l’ordre social et la légitimité de l’usage de la violence par l’État. Rencontre avec son auteur, le journaliste David Dufresne.
En 2019 déjà, nous avions interrogé David Dufresne, qui racontait, sous les traits de son alter ego Étienne Dardel, une mobilisation violemment réprimée dans les pages de son premier roman, Dernière sommation (éditions Grasset). Cette fois, c’est par le cinéma que l’auteur et réalisateur a décidé de questionner les pratiques du maintien de l’ordre en France. Un cinéma-vérité, surgi des réseaux sociaux par l’intermédiaire des téléphones portables.
« Aujourd’hui, tout le monde peut filmer et diffuser »
Il y a d’abord la puissance des images. Filmées au téléphone portable ou à la GoPro, souvent en caméra subjective, les vidéos qui structurent Un pays qui se tient sage sont saisissantes. Elles tiennent le public en haleine. Projetées sur grand écran, leur impact est amplifié par le caractère immersif. Les scènes de violence n’en sont que plus éprouvantes pour le public et les protagonistes qui interviennent dans le film en les analysant. Projetées sur la toile, ces vidéos devenue virales sur les réseaux sociaux acquièrent une force de contre-récit. Un cinéma direct, brut et engagé revendiqué par l’auteur. Une mutation des images rendue possible par la technologie de la caméra embarquée dans les smartphones.
« On est dans une démocratisation des outils et des moyens absolument renversante », sourit David Dufresne. Aujourd’hui tout le monde peut filmer et diffuser ce qui se passe autour de lui. C’est le point de départ du film. L’auteur précise : « la bataille du récit, ce sont à la fois les mots et les images ». « On est à la croisée des chemins. Avec une police qui a du mal à être sous l’œil de tout le monde, des citoyens qui filment et une institution qui aimerait revenir aux temps où ce n’était pas possible. »
« Le propre d’une revendication, c’est qu’il y a discussion »
« Ce qu’on peut créer aujourd’hui, c’est les conditions du débat », souligne David Dufresne. Le film s’articule en effet autour de la fameuse phrase du sociologue et économiste allemand Max Weber, « l’État revendique le monopole de la violence physique légitime ». Les différent·es protagonistes décortiquent cette phrase en multipliant les angles et les points de vue. Assis derrière une table de bistrot face à l’écran, deux par deux, ils s’interrogent sur la contestation de ce monopole. Ainsi, Un pays qui se tient sage procède à une véritable analyse collective du maintien de l’ordre.
Sur le même thème : Notre entretien avec Laurent Bigot, ancien membre du corps préfectoral qui filme les pratiques policières dans les manifestations.
Sociologues, écrivain⋅es, policiers et victimes de violences policières s’y croisent et échangent loin de l’ambiance pressée des plateaux télé. Un dialogue s’installe. On y aborde tour à tour la place de la police, l’usage de la violence et le continuum sécuritaire mis en place par le politique dans les quartiers populaires depuis trois ou quatre décennies. Face aux images de lycéen·nes maintenu·es à genoux les mains derrière la tête à Mantes-la-Jolie, en décembre 2018, le commentaire d’Anthony Caillé, secrétaire national du syndicat CGT Intérieur, sonne finalement comme un aveu : « Si on en arrive là, c’est que le travail a été mal fait. »
Un entretien réalisé et présenté par Tristan Goldbronn. Photo de une : Pierre-Olivier Chaput pour Radio Parleur.
Extrait sonore : “Ils ont filmé la guerre en couleur” réalisé par René-Jean Bouyer, avec une narration d’André Dussollier.
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