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En finir avec la souffrance au travail – Ceci n’est pas une parenthèse #8

L’événement est historique. Avec la pandémie, le système économique et nos modes de vie se figent. Déjà, certain·es poussent vers une reprise “comme avant”. Contre cette vision, des voix s’élèvent. Avec « Ceci n’est pas une parenthèse », Radio Parleur vous propose une série de podcasts pour entendre celles et ceux qui pensent aujourd’hui à un lendemain différent.

Du 6 mai au 11 juillet 2019, se tenait le procès France Télécom. Après la vague de suicides, témoignant d’une souffrance au travail insupportable, qui a touché l’entreprise – 35 entre 2008 et 2009 – le verdict a désigné les managers coupables de harcèlement moral organisationnel. “Un système d’organisation du travail a été mis en place de manière délibérée dont l’objectif était le harcèlement moral organisationnel pour conduire les salariés à quitter leurs postes, à quitter l’entreprise et à supprimer 22 000 emplois en seulement 2-3 ans”, explique Eric Beynel, porte-parole du syndicat Solidaires

Un verdict qui rend publique la souffrance au travail

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Eric Beynel, porte-parole du syndicat Solidaires. Crédit photo : Solidaires.

Selon le jugement rendu en décembre, celles et ceux qui ont mis en place le plan NEXT ont mis en danger la santé des salariés. Eric Beynel a coordonné l’écriture d’un livre, La raison des plus forts, Chroniques du procès France Télécom, sorti aux éditions de l’Atelier, le 4 juin dernier. Le syndicaliste a fait appel à des auteur⋅es, des artistes et des chercheur⋅ses pour écrire et dessiner les récits d’audience. Chaque texte correspond à une journée du procès. “Nous avons voulu mettre à nu la manière dont cette organisation du travail pathogène a été mise en place”, confie Eric Beynel. Avant d’ajouter : “Nous voulons que ce jugement se propage le plus possible pour que les salarié⋅es, les syndicats s’en servent comme point d’appui pour faire face à ces organisations du travail.

« Le télétravail n’est pas la solution contre la souffrance au travail »

Même si le télétravail peut présenter quelques avantages – éviter de longs temps de transport, avoir une plus grande liberté dans l’organisation de sa journée de travail – ses inconvénients sont multiples. “Il y a une réelle détérioration des conditions de travail : on travaille le soir, la nuit. Les sollicitations sont de plus en plus fréquentes”, alerte Eric Beynel. Télétravailler est aussi l’occasion de quitter un lieu de travail où certain⋅es salarié⋅es souffrent de harcèlement. “Mais est-ce vraiment un avantage ?”, se questionne le porte-parole de Solidaires : “Le télétravail renforce l’isolement. Et donc ces salarié⋅es se coupent du collectif. Or, dans ces situations, c’est le collectif qui permet de faire face au management pathogène.”

Autre point noir du télétravail : cette organisation accentue les inégalités de genre. “Beaucoup de femmes nous ont contactés. C’est très difficile pour elles d’être télétravailleuses et en plus de s’occuper des enfants et de faire l’école à la maison.” De nombreuses femmes vivent une double, voire une triple journée avec la mise en place du télétravail, en plus de s’occuper des enfants et de la maison. La charge mentale s’en trouve décuplée. 

« La télésurveillance doit être très sérieusement encadrée »

Alors Eric Beynel propose d’encadrer cette organisation du travail, qui va très certainement continuer avec la crise. “A Solidaires, on avait déjà commencé à réfléchir sur la manière de réguler le télétravail et tout ce qui peut être de la surveillance à distance”, rapporte le syndicaliste. Des mouchards informatiques sont souvent mis en place par l’employeur pour savoir comment les salarié⋅es travaillent, selon le nombre et la fréquences des clics, des envois de mails. “La télésurveillance doit être très sérieusement encadrée”, expose Eric Beynel.

Sur le même thème : Emission spéciale France Télécom : le procès de la souffrance au travail

Pour lui, les employeurs doivent mettre en place un réel droit à la déconnexion. “Il faut couper les serveurs quand les télétravailleuses et télétravailleurs ne sont pas censé⋅es travailler. Exactement comme lorsqu’on ferme les locaux d’entreprise.” La connexion et le matériel utilisé devraient aussi être pris en charge par l’employeur. “On imagine mal un grutier acheter sa grue, ou un éboueur acheter son camion de ramassage des ordures. Il n’y a pas de raison pour qu’un télétravailleur achète son ordinateur, achète son bureau, paye sa connexion”, signale-t-il.

Une précarité grandissante

Pour Eric Beynel, le jugement de France Télécom ne sera jamais à la hauteur des préjudices subis par les familles des victimes, ou pour les ancien⋅nes salarié⋅es encore en dépression aujourd’hui. Il concède : “Symboliquement, cela permet de commencer un processus de réparation”. Eric Beynel espère aussi qu’avec ce jugement et la sortie de son livre, les prises de conscience seront plus fréquentes sur les conditions de travail des salarié⋅es. Même si, avec la crise du Covid-19, la précarité de certain⋅es se retrouve renforcée. “Il y a une énorme paupérisation d’une part de la population des suites du Covid-19. La précarité risque encore d’augmenter avec les nombreux plans sociaux qui s’annoncent et le chômage partiel qui risque de continuer pour certains”, analyse Eric Beynel.

Un entretien réalisé par Marion Pépin. Photo de Une : Solidaires.

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