Laurent Bigot est l’auteur de la vidéo virale montrant un tir de LBD à bout portant pendant la manifestation parisienne contre le projet de réformes des retraites du 9 janvier. Fin connaisseur du maintien de l’ordre, cet ancien directeur de cabinet de préfet dénonce des actes “contraires à l’éthique”.

Engagé sur le mouvement des gilets jaunes depuis le début, Laurent Bigot a été le témoin direct des pratiques policières mises en œuvre. “Au fur et à mesure que l’on a vu la violence policière s’accroître et peu de médias en parler, on a décidé avec ma fille de filmer. […] C’est à la fois utile pour les victimes et un témoignage de ce qu’il se passe réellement en France aujourd’hui.” Dans ses reportages, il explique ne pas viser les policiers en particulier mais couvrir l’ensemble de la manifestation. “C’est juste qu’on trouve que le volet violences policières prend de plus en plus de place.”

Un homme filme la BRAV-M après une charge qui a coupé le cortège de la manifestation interprofessionnelle du 9 janvier, rue Saint-Lazare à Paris. Photographie : Pierre-Olivier Chaput pour Radio Parleur.

L’homme qui se définit comme un citoyen engagé a travaillé cinq ans dans le corps préfectoral, entre 2008 et 2013. Il notamment été directeur de cabinet de deux préfets différents et donc en charge du maintien de l’ordre. “J’ai été de l’autre côté de la barrière, admet-il. Mais la police que j’ai connue n’est pas celle que je vois sur le terrain aujourd’hui. Il y a un comportement qui n’est plus du tout conforme à l’éthique et qui n’a plus rien à voir avec l’ordre public.

Jeudi 9 janvier, durant la manifestation contre la réforme des retraites, Laurent Bigot a filmé cette vidéo, rue Saint-Lazare :

Il donne son sentiment sur les dernières manifestations : “la stratégie de maintien de l’ordre vise à ce que le cortège n’aille pas jusqu’au bout”, en le bloquant et le coupant à de multiples reprises. “La présence de policiers collés au cortèges, l’encadrant comme une chape mobile, génère énormément de tension“, juge-t-il. D’autant plus quand il s’agit des BRAV-M, la brigade motorisée revêtue de casques de motos. Il les qualifie de “véritables cowboys, […] faits pour terroriser“. Ce sont ces brigades qui ont coupé le cortège rue Saint-Lazare le 9 janvier. “Dans la scène que j’ai filmée, détaille-t-il, tout le monde s’est focalisé sur les tirs de LBD, mais les coups de matraque qui pleuvent sont également d’une violence inouïe. […] J’ai filmé des flaques de sang sur le trottoir !”

Un homme se plaint d’avoir été matraqué à la tête, le 9 janvier rue Saint-Lazare à Paris. Frapper cette zone du corps est prohibé, mais la bosse qu’il arbore quelques instants après témoigne de la violence du coup reçu. Photographie : Pierre-Olivier Chaput pour Radio Parleur.

Laurent Bigot explique que ses vidéos lui permettront par exemple d’aller témoigner en faveur d’un interpellé à propos duquel il affirme, images à l’appui, que les déclarations des policiers sont mensongères. Le vidéaste estime que désormais, filmer est un “réflexe salutaire face aux comportements de certains policiers”.


Lire le second volet de notre enquête : Tir de LBD à bout portant : le policier a récidivé


Bon connaisseur de la loi qui autorise à enregistrer la police, cela ne l’a pas empêché d’avoir lui-même été agressé par celle-ci lorsqu’il brandissait son téléphone. Pour lui, le problème réside dans l’absence de discernement qui régnerait aujourd’hui dans la police : “Tous les manifestants sont bons à taper” et pas seulement “les gens violents” que “la police doit interpeller avec un recours proportionné à la force”. Un glissement dans des comportements qui ne sont plus “professionnels” de la part des policiers, comme en attestent également les tutoiements et insultes régulièrement proférées à l’encontre des manifestant⋅es.

Place Saint-Augustin le 9 janvier à Paris. Photo Sylvain pour Radio Parleur.

“On a des mutilés, on a des gens éborgnés, des mains arrachées, des blessures graves !” Persistant à opérer le distinguo entre manifestant⋅es et casseurs, il poursuit : “Inutile de vous dire que les gens qui sont blessés ne sont jamais des casseurs. Ça tombe toujours sur des manifestants qui n’ont rien à se reprocher, preuve en est que la justice ne les poursuit jamais ! Si on a voulu passer d’une doctrine à une autre parce qu’on estimait qu’il y avait trop de casse matérielle et qu’on accepte de faire de la casse humaine, dans quel pays vivons-nous ?”

Une enquête réalisée par Tristan Goldbronn et Pierre-Olivier Chaput. Photo de Une par Sylvain Lefeuvre.

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