A Paris, ce 17 décembre, la manifestation à l’appel de l’ensemble des syndicats a rassemblé entre 76 000 et 350 000 personnes. La mobilisation contre la réforme des retraites entre ce mercredi dans son treizième jour et ne semble pas faiblir.
14h30, place de la République à Paris, la CFDT et la CGT se tournent littéralement le dos. Alors que le cortège inter-syndical s’est élancé boulevard du Temple depuis une bonne demie-heure, la voiture-balai de la CFDT ne semble pas prête de démarrer. La présence du syndicat réformiste en manifestation en ce jour reste exceptionnelle, une première depuis 2010 au niveau national.
Après les annonces du premier ministre Édouard Philippe le mercredi 11 décembre, “une ligne rouge a été franchie” selon Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT. Dans la foulée, le syndicat annonce rejoindre le mouvement de protestation. En cause, le report de l’âge pivot à 64 ans, et non plus 62 ans comme le réclame toujours le syndicat. Son leader demande par ailleurs la réouverture des négociations.
Sur cette présence inattendue sur le pavé, Xavier, cheminot SUD-Rail s’exclame : “je n’ai jamais croisé un seul membre de la CFDT en AG ou sur les piquets de grève depuis le 5 décembre”. Un discours souvent entendu tout au long de la journée dans les cortèges des autres syndicats.
“Le retrait de la réforme sinon rien !”
Un autre son de cloche retentit à Gare du Nord, lors de l’Assemblée Générale inter-services des salarié·es de la SNCF. “Le retrait de la réforme sinon rien !” lance un des participants. Les cheminot·es de SUD-Rail et de la CGT exigent le retrait pur et simple du projet. Anasse Kazib, délégué SUD-Rail, voit dans cette journée de mobilisation “une vraie possibilité de gagner et l’occasion de fêter le pot de départ de Jean-Paul Delevoye” (ndlr : haut commissaire à la réforme des retraites qui a présenté sa démission le 16 décembre). Les cheminot·es votent à l’unanimité (158 voix) la reconduction de la grève jusqu’au lendemain, et souhaitent surtout tenir jusqu’au retrait sans négociations du projet de réforme.
L’assemblée est aussi l’occasion d’échanger avec d’autres secteurs en lutte. Parmi les présent·es à la tribune : des Gilets Jaunes fêtant leur treizième mois du mouvement, des étudiant·es mobilisé·es contre la précarité, des journalistes de Radio France en grève depuis 23 jours, des professeur·es faisant face à la réforme de l’Éducation Nationale, et des militantes féministes qui rappellent combien la réforme va impacter plus durement les femmes. Tous·tes sont d’accord : “il faut continuer à lutter ensemble contre ce gouvernement.” Ce dernier a pourtant demandé une trêve pour les fêtes de fin d’année. La réponse des grévistes est simple : “On ne lâchera rien et on continuera jusqu’à la St Valentin s’il le faut !”
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Des syndicats en désaccord mais des revendications qui se croisent
Au-delà de cette réforme des retraites, les revendications portent sur les conditions de travail au quotidien dans de nombreux secteurs. Romain, agent commercial sur le RER B et fraîchement syndiqué n’accorde pas vraiment d’intérêts aux conflits entre centrales syndicales. Il explique : “les conditions de travail se détériorent depuis mon arrivée à la SNCF, il y a douze ans”. Il fait partie d’une équipe de remplacement qui compte 40 personnes aujourd’hui contre 160 à l’époque. La question des sous-effectifs revient constamment, et “travailler seul est devenu la norme”. De plus, selon Romain “de nombreux cadres de la SNCF sont présents dans la rue aujourd’hui”.
Vers 18 heures, la manifestation débouche sur la place de la Nation à Paris tandis que tombent les chiffres de la mobilisation : 350 000 selon la CGT et 76000 selon la préfecture. Des chiffres proches de ceux du jeudi 5 décembre. Treize jours plus tard, la mobilisation contre la réforme des retraites s’anime du même espoir, comme le rappelle ce membre du syndicat CFDT : “Moi ma retraite je voudrais la vivre en bonne santé pour profiter de mes enfants, et ne pas la vivre en étant grabataire.”
Un reportage de Violette Voldoire et Sophie Peroy-Gay. Photographie de Une : Pierre-Olivier Chaput
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