Jeudi 7 avril, Libre Flot, militant internationaliste est libéré sous contrôle judiciaire. Une décision qui intervient après 15 mois de détention provisoire et surtout 37 jours de grève de la faim. Florian D. de son vrai nom, est suspecté d’association de malfaiteurs terroristes après son retour de Syrie où il a combattu Daesh aux côtés des Kurdes. Ses avocat·es dénoncent une affaire politique. C’est cette histoire que l’on vous raconte dans ce nouvel épisode de l’Actu des Luttes. Une affaire qui pose une question majeure : peut-on laisser un homme mourir de faim pour obtenir la reconnaissance de ses droits ?
Libre Flot a passé plus de 15 mois en détention provisoire et à l’isolement. Le 27 février 2022, il commence une grève de la faim. Au bout d’un mois, il est transféré à l’hôpital, en raison de son état de santé. Il est finalement libéré le 7 avril dernier. Le militant fait partie des inculpé·es du 8 décembre 2020. Pour rappel, fin 2020, le Raid et la DGSI interpellent neuf personnes, dans toute la France (Rennes, Paris en Dordogne, à Toulouse).
Après une garde-à-vue à la DGSI, deux personnes sont relâchées sans charges, deux autres placées en contrôle judiciaire et cinq placées en détention provisoire. Elles sont accusées d’association de malfaiteurs en vue d’une entreprise terroriste. Au fil des mois, les inculpé·es sont libéré·es. Libre Flot sera le dernier, le 7 avril, après 37 jours sans se nourrir. S’il est si longtemps maintenu en détention provisoire, c’est qu’il a combattu au Rojava en 2017, contre Daesh. La justice craint de le voir quitter le territoire français si elle le relâche.
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« Une machine a fabriquer des histoires »
Les avocat·es de Libre Flot, Coline Bouillon et Raphaël Kempf dénoncent une affaire politique, au-delà de judiciaire. Pour elleux, Libre Flot fait les « frais d’un choix de la DGSI qui date d’il y a quelques années, de cibler des militants de gauche partis combattre au Rojava, au nord de la Syrie avec les combattants kurdes du YPG ».
Pour Raphaël Kempf, la DGSI est une « machine à fabriquer des histoires ». Effectivement, selon lui, « une police politique, elle a besoin de raconter, de proposer un récit. Ce récit est, concernant Libre Flot, un peu la clé de voûte de l’édifice. On conteste la qualification de terrorisme », poursuit l’avocat. Il utilise le terme police politique car la DGSI a des pouvoirs extraordinaires. Pouvoirs consacrés, entre autres, dans la loi Renseignement de 2015.
Libre Flot face à un continuum de répression
Vanessa Codaccioni est maîtresse de conférence à l’université Paris-8 et spécialiste de la répression. Pour elle, cette affaire s’inscrit dans la continuité d’une répression envers les militant·es qui remonte au XIXè siècle, avec la répression des anarchistes.
« Puis elle s’est poursuivie tout au long du XXème siècle avec la création du Parti Communiste Français », explique la chercheuse. « À partir de la fin des années 1990, il y a un renouveau de cette répression du militantisme d’extrême gauche, qui s’incarne dans de grandes affaires. On pense évidemment à l’affaire Tarnac. Mais elle s’inscrit dans de plus petites affaires, en comparution immédiate, comme on l’ont constaté les Gilets Jaunes. »
Pour les soutiens de Libre Flot, cette affaire du 8 décembre 2020 fait écho à celle de Tarnac ou aux procès contre les militant·es antinucléaires de Bure dans la Meuse. À leurs yeux, elle est l’incarnation d’un fantasme de l’État sur une « ultra gauche » qui menacerait la République. Pour les militant·es inculpé·es, la procédure continue car l’instruction est toujours en cours. Pour faire face aux frais de justice, un concert de soutien a lieu au Lycée Autogéré de Paris, ce samedi 16 avril. Plusieurs groupes seront présents, comme Human dog food, Goldi, EP2F ou encore Trace.
Un reportage de Noan Ecerly pour l’Actu des Luttes. Photographie de une : Noan Ecerly. Crédit musique de fin : “Human Dog Food – Rules and domination”. Identité sonore Actu des Luttes : Etienne Gratianette (musique/création) et Elin Casse, Antoine Atthalin, Romane Salahun (voix).