Repression free party

Répression des Free-Party : «Il y a un danger qui rôde et c’est l’État »,

Lieuron, Redon : deux free party qui ont fait la Une des médias cette année. Souvent stigmatisées, ces fêtes font l’objet d’une constante répression. Entre poursuites judiciaires parfois injustifiées et violences physiques, la crise sanitaire a particulièrement exacerbé les tensions entre « teufeurs » et autorités.

Septembre 2021, l’association de réduction des risques Techno+ reçoit un appel de la gendarmerie nationale. Le fonctionnaire demande à l’association de leur transmettre les coordonnées des organisateur·ices d’une free party qui a eu lieu le 15 août. « Il y avait tout un procédé rhétorique qui poussait à nous dire qu’on allait avoir plein de galère judiciaires si on collaborait pas avec eux », confie Shahinez, membre de Techno+, pour l’antenne de l’Ouest. À la suite de l’appel, le procureur de Nantes leur envoie un procès de réquisition. Techno+ nie être présente lors de cette fête. « On a recoupé les faits en se demandant ce que faisaient les membres de l’antenne locale ce soir-là. On a compris qu’iels n’étaient pas là. Le matériel a probablement été mis à disposition par un fêtard. »

Au mois d’août, c’est l’association lyonnaise de prévention Keep Smiling qui a subi la même pression de la part des autorités. Pourtant, le ministère de la santé soutient les associations de réduction des risques liées à la consommation de drogue en milieu festif. Elles sont d’ailleurs encadrées par la loi santé de 2016.

Mix de l'artiste Mem Pamal lors d'une Free Party en 2014 . Photographie : Abbybooking sous licence créatives commons
Le DJ Mem Pamal aux platines lors du Son Libre festival en 2014. Photographie : Abbybooking sous licence Creative Commons

Une pression judiciaire accrue depuis deux ans

De leur côté, les organisateur·ices de ces rassemblements sont régulièrement soumis à des poursuite judiciaires. Mais selon eux, depuis deux ans, les saisies de matériel sont plus fréquentes, alors même que le milieu de la free party est quasiment à l’arrêt depuis mars 2020. C’est ce dont témoigne Boris*, référent du Fonds de soutien juridique des Sons. « Pour l’année 2019, on recense 16 saisies. En 2020, on a traité 31 dossiers, et en 2021, on est déjà à 57 saisies. Cependant, on observe souvent la nullité des poursuites, car le matériel est la plupart du temps restitué suite au jugement ».

Depuis 2001, ces événements sont régis par l’amendement « anti rave » de l’ancien député Thierry Mariani. Il impose une déclaration préalable en préfecture pour les free party comportant de la musique amplifiée et rassemblant plus de 500 personnes. En cas de non-respect de cette règle, les autorités peuvent saisir le matériel sonore.


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Depuis la mise en place des mesures sanitaires, Boris constate qu’un nouveau chef d’accusation est régulièrement utilisé : la mise en danger de la vie d’autrui. Dans ce cas, la condamnation peut aller jusqu’à un an d’emprisonnement. « Ce délit est utilisé comme un moyen de communication de la part de la préfecture et de la gendarmerie. Pour les gens, depuis le Covid-19, faire une fête augmente la propagation du virus. Or, on se rend compte que le cadre légal de la mise en danger de la vie d’autrui ne devrait pas s’appliquer pas au Covid-19. Et ça, la justice et les forces de l’ordre le savent plutôt bien. »

Le teknival de Redon : illustration d’une répression exacerbée pour les free party

Le teknival de Redon témoigne d’une répression exacerbée du milieu de la free. Cette rave-party organisée dans la nuit du 18 au 19 juin est un hommage à Steve Maïa Caniço. Le jeune homme, décédé lors de la fête de la musique à Nantes en 2019, était en effet adepte de ces soirées. La fête tourne court : les forces de police interviennent au petit matin pour la stopper. L’association Techno+ intervient ce soir-là. Elle recense une dizaine de blessé·es, un fêtard de 22 ans à la main mutilée. Les bénévoles constatent que les secours ne sont pas sur place. L’association décide alors de prendre en charge les blessé·es, comme en témoigne Seb. « Les gendarmes, la préfecture, le ministère de l’intérieur interdisaient le secours aux personnes sur site en priorisant une action d’ordre public, face aux besoins de santé publique ».

Recueillant plusieurs témoignages, Techno+ a également publié un communiqué à dans la foulée pour dénoncer les dérives du maintien de l’ordre cette nuit-là. « Les forces de l’ordre devraient constituer un partenaire pour nous. Elles devraient être source de sécurité pour les participant·es. Aujourd’hui, elles font peur aux participant·s. » En septembre 2021, Amnesty International publie d’ailleurs un rapport d’une vingtaine de pages sur le sujet. L’association pointe une « dérive du maintien de l’ordre » pendant le teknival de Redon, et s’inquiète en termes clairs. « Les violences policières comme celles documentées à Redon ne peuvent pas devenir une norme. Des réformes structurelles, au-delà des annonces, doivent être engagées. »

*Le prénom a été modifié.

Un épisode de l’Actu des Luttes réalisé par Yelena Parentaud. Extraits de reportage sur Redon : Clément Lanot pour CLPress. Présentation et coordination éditoriale : Martin Bodrero. Photographie de Une : Techno+.

Identité sonore Actu des Luttes : Etienne Gratianette (musique/création) et Elin Casse, Antoine Atthalin, Romane Salahun (voix)

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