Cet été, Radio Parleur était a l’Université d’été des mouvements sociaux et des solidarités à Nantes. Nous y avons croisé Juliette Rousseau. Militante féministe et écologiste, autrice, elle a récemment traduit l’ouvrage de Carla Bergman et Nick Montgomery : Joie Militante, Construire des luttes en prise avec leurs mondes, paru aux éditions du commun.


Comment mener une lutte politique sans reproduire, au sein même du cercle militant, les logiques de domination combattues ? L’enjeu est de taille, et encore trop peu abordé en France. Juliette Rousseau pose les bases d’une réflexion sur le sujet en traduisant de l’ouvrage Joie Militante, Construire des luttes en prise avec leurs mondes. Le texte de Bergman et Montgomery propose en effet de s’attaquer aux rapports de domination entre militant‧es grâce à une notion inspirée de la philosophie spinoziste : la joie.

Accepter ses émotions pour accepter ce qui se déroule

Les auteur‧ices s’éloignent dans un premier temps d’une définition trop terre-à-terre du concept. La joie militante, ce n’est pas uniquement un affect confortable ou l’état de non-émotion. Ce n’est ni le bonheur, ni une sensation de plénitude individuelle. Au contraire, c’est la capacité à habiter collectivement les événements qui traversent un mouvement politique, et qui nous transforment. C’est la façon dont on intègre les éléments, bons comme mauvais, d’un projet collectif et politique. Par l’acceptation de ce qui nous touche, on s’éloigne des grilles idéologiques traditionnelles, d’un moralisme qui tend au perfectionnisme ou d’une lecture paranoïaque des événements.


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Le militantisme joyeux permet donc de s’émanciper d’un militantisme rigide. Les schémas dans lequel celui-ci est pris l’empêchent de venir embrasser la lutte au moment -toujours inattendu- où elle advient. « La rigidité traverse l’ensemble des milieux radicaux. Elle est cette volonté de contrôler la transformation, de l’orienter et de lui donner un sens certain dès qu’elle apparait. C’est vraiment ce besoin de contrôle qui dépossède les mouvements de leur puissance. »

Joie Militante propose donc d’interroger notre rapport au monde à travers notre façon de lutter. Il incite à engager des alternatives collectives et créatives aux incertitudes du quotidien. Mais aussi à s’ouvrir et participer aux élans qui mobilisent nos ressources et savoirs-faire pour habiter l’instant.

Un entretien réalisé par Nabil Izdar. Photo de Une : Nabil Izdar pour Radio Parleur.