« Le Fils de l’épicière, le Maire, le Village et le monde », le film documentaire de Claire Simon est en salle depuis le 1er septembre. En 1h51, il raconte la success story de Tënk, plateforme du documentaire d’auteur créée dans le petit village de Lussas en 2016. Un moyen de mettre en avant cette plateforme indépendante, qui – comme Radio Parleur – fête ses 5 ans.

Comme tous les étés, le petit village de Lussas s’anime. Le festival des États Généraux du film documentaire polarise pendant quelques jours la vie locale. On délaisse la vigne et les vergers pour vendre la production aux festivalier‧es, essentiellement des étudiant‧es en cinéma. Les États Généraux, c’est une ambiance particulière : regarder des films documentaires en plein air dans un petit village, ça n’arrive pas tous les jours.

Depuis 30 ans, le docu d’auteur fait donc partie intégrante de l’identité du village ardéchois de 1129 âmes. Il se conjugue au passé, au présent, au futur pour ses habitant‧es ; des fêtes de village où l’on danse sur des images d’archive, à l’école de cinéma accueillant plusieurs dizaines d’étudiant‧es chaque année.

« À Lussas, on sait être pauvre, donc on est immortels »

Germe alors un projet fou : monter depuis Lussas une plateforme internationale de diffusion de documentaire d’auteur, Tënk. À terme, l’objectif est de coproduire plusieurs dizaines d’œuvres par an. Ce projet est porté par un habitant d’une soixantaine d’années, Jean-Marie Barbe, co-fondateur du festival et fils de l’épicière. Il rassemble autour de lui son ami Jean-Paul Roux, maire historique du village, et une équipe de jeunes professionnel‧les qui acceptent de sacrifier un meilleur salaire sur l’autel de leurs convictions.

Capture d’écran du film. Crédit : Nour Films.

Le projet doit dès sa création concilier son identité rurale, les idéaux politiques de ses fondateurs, et le monde particulier de l’entreprenariat. L’équilibre financier du projet ne tient donc qu’à un fil. « On est sur un vélo sur une corde, ça a toujours été comme ça », plaisante un membre de l’équipe. Jean-Marie de répondre : « À Lussas, on sait être pauvre, donc on est immortels. »

Promouvoir un cinéma documentaire libre

Pour Claire Simon, la réalisatrice, « l’idée était de filmer un village, de voir le rapport entre le maire, l’équipe de la plateforme documentaire et puis en face les agriculteurs. Mon intérêt c’était un village moderne, où des gens entreprennent quelque chose auquel ils croient, qui est de l’ordre de la culture, mais aussi de l’agriculture. »

Tënk, c’est un projet qui cherche depuis 2016 à promouvoir le documentaire en tant qu’objet artistique, et non seulement véhicule informatif. Les gens du coin, les abonné‧es et autres soutiens « sont rentrés dans le rêve que leur a proposé Jean-Marie Barbe, et qui pense que le cinéma documentaire est libre, et qu’il raconte la culture des gens, des peuples, et qu’il n’est pas un cinéma soumis à la société du spectacle et du commerce. »


Sur le même thème : Utopia 56, la solidarité entravée, un documentaire sur les droits humains


« Si vous voulez, que dans un petit village d’Ardèche, un type dise que le cinéma va venir dans son village, et qu’il y ait un espèce de rêve délirant de faire le Hollywood du documentaire à Lussas, je trouve beau. Qu’on ose mener des idées comme ça, » ajoute-t-elle.

Alors comment monter un projet ensemble, entre les rêves de chacun‧e, le travail qui grignote sur la vie personnelle, le ras le bol, la négociation de ses valeurs, les abonnements qui stagnent. La plateforme, le bâtiment, la vigne, le festival, les gens : tout se lie, du mieux possible.

Et si vous avez aimé le film, retrouvez ce récit sous un format différent (2 saisons de 10 épisodes – 10 heures au total) dans la série Le Village de la même réalisatrice. Disponible… sur Tënk ! 

Un article de Martin Duffaut. Photo de Une : Nour Films.