5e Jeudi de la colère westin paris vendôme

Au Westin Paris Vendôme, la crise sanitaire comme prétexte à la casse sociale

En avril dernier, Radio Parleur vous racontait la lutte des salarié‧es de l’hôtel Westin Paris Vendôme. Ils et elles dénoncent la mise en place d’un Plan de sauvegarde de l’emploi. La direction veut supprimer 168 emplois sur 350. Dans ce deuxième volet de notre enquête, nous avons eu accès en exclusivité aux document du PSE et à plusieurs contre-expertises concernant le sort des salarié‧es menacé‧es de licenciement.

C’est une lutte que Radio Parleur vous racontait dès le mois d’avril dans un premier volet de cette enquête. Le 7 janvier dernier, le Comité Social et Économique (CSE) de l’hôtel Westin Paris Vendôme tient une réunion extraordinaire par visioconférence. Médusé·es, les représentant·es du personnel apprennent que la direction compte licencier près de la moitié du personnel. L’opération concerne 168 emplois sur 350.

Des services entiers sont sous la menace, notamment la conciergerie et le housekeeping – le service d’étage – qui comprend femmes de chambre, valets de chambre, équipiers et gouvernantes. « Ces quatre services vont être fermés, pour être ensuite externalisés », explique David, employé de l’hôtel depuis quatre ans. En réaction, chaque jeudi depuis le 4 mars, une partie des délégué‧es syndicaux proposent aux salarié·es de manifester devant l’un des grand hôtels du groupe. C’est l’acte de naissance de ces « jeudis de la colère ».

5e Jeudi de la colère
Le personnel du WestIn Paris Vendôme manifeste, avec le soutien des femmes de chambre de l’hôtel Ibis, devant le Prince de Galles à Paris lors du 5e jeudi de la colère, le 1er avril 2021. Photographie : Nabil Izdar pour Radio Parleur

Le plan de sauvegarde de l’emploi aurait pu être évité

Pour une partie des salarié‧es du groupe Westin, ce PSE est une procédure abusive. Ils et elles l’affirment, la situation financière de l’hôtel et les perspectives de reprise de l’activité après la crise sanitaire ne justifient pas les licenciements économiques. Nous avons eu accès aux documents du PSE ainsi qu’à une contre-expertise réalisée par le cabinet indépendant Adecco.

Pour décrypter ces informations, nous avons sollicité Gilles, comptable à la retraite et spécialiste des bilans de sociétés. Selon lui les éléments présentés posent de nombreuses questions. « Un plan d’une telle ampleur aurait pu être évité si les leviers d’aide financière mis en place par l’État pendant la pandémie de Covid-19 avait tous été sollicités. Ce n’est pas ce qu’a fait la direction de l’hôtel», explique t-il. « De plus, aucun devis n’a été réalisé par l’entreprise pour estimer le coût du recours à la sous-traitance », ajoute-t-il. Cette pratique salariale est la cible de nombreuses mobilisations syndicales ces dernières années. Dans le cas du Westin, elle doit compenser la suppression de 86 emplois, principalement au sein du service de housekeeping, affirme la direction de l’hôtel.

Dernière anomalie : « le coût du PSE représenterait moins de 10% des économies réalisées. » Ce son les experts du cabinet Adecco qui le pointent dans ce rapport du 31 mars, adressé au Comité Social et Économique de l’hôtel. Curieux de ces faits, nous avons contacté la direction ainsi que les trois délégués syndicaux signataires du PSE (voir l’épisode précédent de notre enquête) pour obtenir des explications. Au moment de la publication de notre enquête, aucun d’entre eux n’a souhaité répondre a nos sollicitations.

Un plan social validé par l’administration malgré les incertitudes

Malgré l’ensemble des éléments évoqués plus haut, la délégation territoriale (Direccte) a homologué le PSE, le 11 mai, dans son intégralité. Rappelons que cette administration met les dispositifs d’aides des salarié‧és licencié‧és prévus par la loi à leur disposition. Elle ne se prononce pas sur la pertinence des éléments économiques justifiant l’activation d’un plan de sauvegarde de l’emploi. 

Après cette annonce, la CGT a révoqué son ancien représentant, qui a signé ce PSE sans l’accord de sa fédération. Yamina Bellahmer et David Kharoubli, deux des meneurs de ces jeudis de la colère, sont les nouveaux porte-voix du syndicat au sein du Westin. Iba Konte a quant à lui rejoint la CFDT.  Le syndicat a mis a disposition du collectif un avocat pour amorcer un recours prudhommal, prochaine étape de la lutte entre le groupe Westin et ses désormais ex-salarié‧es. Dans l’attente de la constitution des dossiers, ils et elles continuent les jeudis de la colère. Ils et elles manifestent chaque jeudi devant leur hôtel. La réouverture de l’établissement est, elle, prévue pour le 7 juillet.

Un reportage de Nabil Izdar. Photographie de Une : Nabil Izdar pour Radio Parleur.

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