Il est le nouveau visage des violences en prison. Jimony Rousseau Sissoko meurt le 2 février dernier, après avoir été « maitrisé » par les gardiens de la prison de Meaux-Chauconin. Une enquête pour « violences par personne dépositaire de l’autorité publique » et « violences mortelles » est en cours d’instruction.

Coura Sissoko se trouve dans la chambre d’hôpital de Jossigny, en Seine-et-Marne. Son frère vient de mourir lorsqu’elle lance un premier appel à témoignage. « Aujourd’hui, on ne sait toujours pas les causes et les raisons de son décès. Je vous demande juste de rassembler le maximum de témoignages possibles pour pouvoir faire une reconstitution des faits » écrit-elle sur les réseaux sociaux.

Un mot d’ordre : Justice pour Jimony

Cinq jours après la mort du jeune homme, sa famille organise une marche blanche devant la prison de Meaux Plusieurs centaines de personnes affrontent la pluie battante. Sur les vêtements s’étalent un slogan : « Justice pour Jimony », comme un écho à tant d’autres jeunes hommes racisés morts ces dernières années.

Dans le cortège, des familles qui connaissent bien le long et pénible parcours judiciaire qui attend les proches de Jimony Rousseau Sissoko. Assa Traoré, la sœur d’Adama Traoré, est présente, comme Amal Bentounsi du collectif Urgence notre police assassine, et Ramata Dieng, la sœur de Lamine Dieng, mort en 2007 après une interpellation policière. Cette fois, la victime a subi des coups derrière les murs d’une prison.

Marche blanche pour Jimony
Marche blanche pour Jimony, victime de violences en prison. Crédit photo : Adèle Cailleteau pour Radio Parleur.

Jimony Rousseau quitte la prison en état de mort cérébrale

À ce stade, la famille sait seulement que Jimony a fait un arrêt cardiaque après une semaine de coma. « Maîtrisé » par des agents pénitentiaires de la prison de Meaux-Chauconin parce qu’il ne voulait pas regagner sa cellule, il arrive à l’hôpital en état de mort cérébrale. Une semaine plus tard, l’équipe soignante décide enfin de le débrancher. Droite, la sœur du jeune homme décrit la scène comme si elle venait de se produire. « Je lui tenais la main quand l’équipe médicale l’a extubé. Son cœur a lâché à 16h05. »

Mamadi est le cousin de Jimony. Il raconte : « les médecins nous expliquent que la procureure leur interdit de nous donner des informations. Nous n’avons pas le droit de soulever le drap pour voir le corps. » Un silence courant, alors qu’une enquête va être ouverte rapidement. « On a eu la chance d’avoir une infirmière touchée par notre histoire, et qui nous a conseillé de fouiller, de poser des questions sur sa mort. »

Des agents pénitentiaires brisent l’omerta

Alors que Jimony Rousseau Sissoko gît toujours sur son lit d’hôpital, sa mère reçoit une lettre anonyme. La famille du jeune homme prend le temps de la vérification, et la considère authentique. Coura lit la lettre adressée à sa mère. « Mme Rousseau, le drame arrivé à votre fils le 25/01 au centre pénitentiaire de Meaux est très grave et mérite l’attention de l’opinion publique, des médias, de votre avocat et surtout du procureur de Meaux. » Ce témoignage anonyme raconte la même histoire que trois surveillants pénitentiaires entendus par les enquêteurs en mars.


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Morsure et coup de pied à la tête

Jimony Rousseau Sissoko est en détention provisoire depuis le 6 janvier. Le 25 janvier, d’après le récit des surveillants, il refuse de retourner dans sa cellule après la promenade. Après quelques rebondissements, il se laisse finalement menotter et accepte de quitter la cour de promenade. C’est là que tout dérape. Toujours selon les agents, le jeune homme aurait agressé l’un d’eux, le mordant à la cuisse.

Dans l’empoignade, un major de l’unité d’intervention appelée en renfort donne un ou plusieurs violents coups de pied à la tête de Jimony Rousseau Sissoko. Continuant à se débattre, on le traîne au quartier disciplinaire. «C’est là qu’il a perdu connaissance dans sa cellule. Il a ensuite été amené à l’hôpital en arrêt cardiaque », explique la sœur du jeune homme.

La justice a ouvert une information judiciaire après le décès pour « recherches des causes de la mort ». Après l’audition de trois surveillants, sa qualification change. C’est désormais une enquête pour « violences par personne dépositaire de l’autorité publique » et « violences mortelles » qui est confiée à un juge d’instruction.

Les violences pénitentiaires, un phénomène documenté

D’après l’Observatoire International des Prisons (OIP), le décès de Jimony Rousseau est la partie visible de l’iceberg de la violence dans les prisons françaises. Sa section française publiait en 2019 une enquête sur les violences commises par des agents pénitentiaires sur les personnes détenues. L’OIP co-signait d’ailleurs en mars un communiqué de presse selon lequel : « les violences commises par des agents de l’administration pénitentiaire sur des personnes détenues sont une réalité désormais largement documentée, tout comme les rouages institutionnels permettant qu’elles se perpétuent. »

Parmi les signataires du communiqué, le journal L’envolée, qui donne la parole aux détenu‧es et à leurs proches. Son numéro 52 est d’ailleurs interdit dans toutes les prisons françaises. La raison : un dossier consacré aux décès de plusieurs personnes détenues dans des conditions suspectes.

Un reportage de Adèle Cailleteau. Photo de Une : Adèle Cailleteau.

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