A Beaumont-sur-Oise le 18 juillet 2020, lors de la 4e marche en hommage à Adama Traoré, avec les écologistes. Photo Pierre-Olivier Chaput pour Radio Parleur

Marche pour Adama : “un mouvement social à part entière”

Samedi 18 juillet 2020, pour la quatrième fois, plusieurs milliers de personnes ont réclamé justice et vérité pour Adama Traoré. La famille réclame maintenant un procès public. Au-delà du combat judiciaire en cours, la marche pour Adama a réuni des collectifs d’écologistes, de Gilets Jaunes et des personnalités politiques issues de plusieurs partis de gauche. Une convergence contre les violences policières qui s’affirme, de plus en plus, comme un mouvement social d’ampleur.

Une enquête qui piétine, mais semble redémarrer

« Quatre ans après, on est là avec un t-shirt orange. L’année dernière c’était vert, l’année d’avant c’était jaune, l’année d’avant c’était rouge puis avant encore c’était blanc. » Dans le quartier de Boyenval à Beaumont-Sur-Oise, la quatrième marche pour Adama et en mémoire de toutes les victimes de violences policières vient d’atteindre son point d’arrivée. Sur la scène, Assa Traoré, grande sœur d’Adama devenue l’incarnation du mouvement contre les violences policières, fait face à la foule : « Nous avons fait presque toutes les couleurs de t-shirt, nous espérons que l’année prochaine quand nous nous verrons, ce sera pour la victoire. »

Sur le plan judiciaire, la « victoire » est encore loin pour la famille d’Adama Traoré, ce jeune homme décédé le 19 juillet 2016 aux mains des gendarmes. Depuis, la justice est toujours incapable de déterminer précisément ce qui lui est arrivé. Cette semaine, c’est une vidéo du journal Le Monde qui donne une chronologie précise des faits.

L’enquête, elle, semble au point mort. Les gendarmes incriminés sont toujours entendus sous le statut de témoin assisté. Après les manifestations des 2 et 13 juin, qui ont réuni plusieurs dizaines de milliers de personnes à Paris, des nouvelles investigations ont été ordonnées. Insuffisant pour la famille qui affirme « ne plus faire confiance à la justice ».

A Beaumont-sur-Oise le 18 juillet 2020, lors de la 4e marche en hommage à Adama Traoré, soutenue par les écologistes. Photo Pierre-Olivier Chaput pour Radio Parleur
A Beaumont-sur-Oise le 18 juillet 2020, lors de la 4e marche en hommage à Adama Traoré. Photo Pierre-Olivier Chaput pour Radio Parleur

Des drapeaux écologistes à la marche pour Adama

Au-delà du feuilleton judiciaire, il suffisait, ce samedi, de marcher avec les plus de 3000 personnes qui ont traversé Beaumont-Sur-Oise, pour mesurer l’ampleur qu’a pris le mouvement contre les violences policières provoqué par le décès du jeune Traoré le jour de ses 24 ans. Gilets Jaunes, écologistes, élu⋅es de plusieurs partis politiques de gauche, tou·tes ont répondu à l’appel du comité Adama et défilent côte à côte sous un soleil de plomb.

Le mouvement écologiste Alternatiba en particulier a choisi de soutenir l’organisation de la manifestation et d’associer la “Génération Climat” à la “Génération Adama”. « On ne pouvait plus rester dans notre zone de confort et notre sectarisme écolo », explique Teissir Ghrab, porte-parole d’Alternatiba. « On avait déjà donné la parole à Assa Traoré le 16 mars 2019 pendant la marche climat, on a échangé énormément et là, du coup, on est dans une alliance très forte entre le comité Adama et le mouvement climat. »

Des militantes du mouvement écologiste Alternatiba à Beaumont-sur-Oise le 18 juillet 2020, lors de la 4e marche en hommage à Adama Traoré. Photo Pierre-Olivier Chaput pour Radio Parleur

T-shirts noirs, Gilets Jaunes, et drapeaux verts

Amandine porte un gilet jaune. Elle est venue d’Amiens, avec le collectif Les Réfractaires du 80. « Ce qui se passe dans les quartiers depuis 40 ans, on s’est rendu compte que ça se produisait aussi contre les Gilets Jaunes », explique-t-elle en évoquant les tir de LBD, le gaz lacrymogène et les arrestations arbitraires. « S’il y a une convergence aujourd’hui, malheureusement ça se fait par les violences policières. »

Sur le même thème, écoutez la conférence : Écologie et quartier populaire, territoires en lutte

Tout l’après-midi, les manifestant·es ont parcouru les rues étroites de Beaumont-sur-Oise. Sur les pancartes, de nombreux messages réclament justice et vérité pour Adama Traoré. L’un deux affiche même un « Assa Traoré 2022 ». Un hommage pour celle qui est devenue l’incarnation de la lutte contre les violences policières, à travers son combat pour son frère.

Autour d’elle, plusieurs membres de la famille Traoré, ainsi que des amis et des habitant·es du quartier de Boyenval portent le t-shirt orange de l’organisation. Sur un des camion sono, une jeune femme prend le micro et réclame que « lorsque les policiers commettent des crimes, ils soient jugés comme n’importe quel citoyen », avant de scander les noms de Zyed, Bouna ou encore Théo, décédés ou blessés lors de leur rencontre avec la police. « On n’est pas de citoyens de seconde zone, on ne lâche pas l’affaire tant que les politiques seront dans le déni de ce racisme systémique. »

Une banderole appelant à l’unité entre Gilets Jaunes, écologistes et membres de la lutte en mémoire d’Adama Traoré le 18 juillet 2020. Photo Pierre-Olivier Chaput pour Radio Parleur

La lutte anti-raciste, sujet incontournable

Youcef Brakni est l’un des piliers du comité Vérité et Justice pour Adama. Il salue une journée réussie. « Il y a beaucoup de monde. Ce n’était pas facile d’organiser ça à 50 kilomètre de Paris, à Beaumont. » Pour lui, la présence des écologistes et des Gilets Jaunes à la marche pour Adama est une victoire. « Tous les mouvements vont maintenant être obligés de prendre en considération la lutte anti-raciste, et pas simplement de manière cosmétique. »

« Aujourd’hui, la génération Adama représente un mouvement social à part entière », résume-t-il, avant de promettre une nouvelle mobilisation au mois de septembre. À nouveau devant le tribunal de Paris, « pour réclamer la récusation de la juge en charge de l’affaire Adama ».

Un reportage réalisé par Martin Bodrero.
Photo de Une : Pierre-Olivier Chaput.

 

 

 

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