Comme à Paris, plusieurs collectifs féministes caennais ont organisé une marche de nuit, la veille de la journée d’action du 8 mars pour les droits des femmes. Une action forte et revendicative pour interpeller sur la place des femmes dans l’espace urbain nocturne.

 

À Caen (Calvados), les actions portées par des collectifs féministes de la ville ont été nombreuses, dès le 7 mars, pour la défense des droits des femmes et des minorités de genre. Dès 16 heures, le collectif Droits des femmes 14 lance la mobilisation par un flashmob ouvert à toutes sur la place Bouchard. En s’appropriant l’espace public, les militantes sensibilisent les caennais·es aux inégalités et aux violences qui perdurent, qu’elles soient physiques, sociales ou économiques. Les militantes exécutent deux danses « À cause de Macron » et « Women on fire ». Clémentine, membre de Solidaires, détaille : “On a vu la chorégraphie des Rosie [symbole populaire américain des travailleuses pendant la seconde guerre mondiale] d’Attac et avec plusieurs collègues on a décidé de créer la même chose ici, à Caen.”

Retraite et précarité professionnelle des femmes

L’égalité salariale, revendication féministe de longue date, trouve dans le récent projet de réformes des retraites une nouvelle urgence. Car, comme le souligne Brigitte, membre du Collectif Droits des femmes 14 : “Bien sûr cette année notre action est axée sur la réforme des retraites qui appauvrira encore plus les femmes, travailleuses comme chômeuses.” Le collectif tente d’alerter sur les spécificités des carrières féminines, souvent faites de temps partiels et d’alternance avec la garde et l’éducation des enfants. Un contexte de précarité sociale et économique pour les femmes que la loi retraite risque d’accentuer. Les deux danses de lutte tenues dans l’après-midi du 7 mars avaient aussi pour objectif d’appeler à la marche de nuit.

Pancartes et poings levés, près de 800 miilitant·es ont défilé ce 7 mars à Caen pour reprendre la rue. Photo : Céline Lemaître pour Radio Parleur.

Une marche de nuit en mixité choisie

Cette journée d’action se poursuit dans la soirée par un appel du collectif Droits des femmes 14 à une marche féministe nocturne en mixité choisie à 19h30, depuis la bibliothèque Alexis-de-Tocqueville, en bordure du port de Caen. Environ 800 personnes s’y réunissent pour une marche de nuit le long des quais jusqu’au centre-ville. D’autres collectifs battent le pavé à leurs côtés : les Soeurcières, Tadam et les Sang sationnelles.

Si cette marche fait partie des actions reconduites chaque année, celle de 2020 se singularise par le choix du parcours. Marie-Claude, militante féministe, explique pourquoi elle n’est pas partie depuis les places traditionnelles des manifestations caennaises : “On a décidé de faire ça devant la bibliothèque de Caen parce que ça va permettre à la marche de remonter le port où il y a énormément de cafés, d’endroits festifs et qui sont plus des lieux masculins. C’est pour montrer justement que la rue appartient à tout le monde.” Le cortège a ensuite rejoint le centre-ville historique.

Un moment cathartique qui fait du bien”

Autre singularité de cette année, le mot d’ordre de cette marche : la mixité choisie. Marie du collectif Droits de femmes 14 précise : “Nous nous battons aussi pour les minorités de genre que ce soit les personnes transgenres ou les personnes intersexe.” Les hommes cis-genre sont les bienvenus mais derrière les femmes, en queue de cortège. La marche de nuit devient alors un espace dédié aux femmes et aux minorités de genre. Un espace de lutte inclusif et sans oppresseur. Ce qui n’a rien d’évident, même à cette occasion. Alors que le cortège s’élance, quelques hommes tentent de se glisser en tête et d’imposer leur présence. Ils se font écarter vivement par des femmes déterminées à faire respecter leur espace de lutte et à les renvoyer plus loin.

Tout au long de la marche, la tête de cortège restera exclusivement composée de femmes et de minorités “queer, féministes, radicales et en colère”. Frédéric a participé à cette marche : “Ça permet aux femmes qui sont devant de définir seules leurs mots d’ordre, les slogans qu’elles veulent chanter. Une partie des revendications, on peut en faire les nôtres. Y’a des revendications sociales. On a tous a y gagner.”

Tambours, chants, slogans puissants et graffitis ont été déployés à mesure que le cortège remontait vers la rue Écuyère, sinueuse et très fréquentée pour ses bars. La foule y est passée deux fois avec ferveur et détermination afin de marquer l’espace, comme les esprits, par sa lutte contre le patriarcat. Ce soir du 7 mars, dans un contexte d’oppression et de domination, le femmes et minorités de genre ont revendiqué, marché côte à côte dans un “moment cathartique qui fait du bien”, comme se réjouit Marion, une manifestante.

L’Aqueerium, un café associatif autour des genres, du queer et des féminismes

Les problématiques féministes, queer et de genres disposent depuis février 2019 d’un lieu où s’exprimer en centre-ville de Caen : l’Aqueerium, rue du 11 novembre. Sur le modèle du café associatif, le lieu fonctionne en autogestion et sans subventions grâce à ses membres qu’ils et elles soient bénévoles actif·ves ou usager·ères. Pour l’une de ses cinq co-président·es, “accueillir toutes les questions d’exclusion liées au genre est important qu’elles soient sociales, spatiales ou économiques”. De nombreux évènements, rencontres et projections sont organisés. Une sonothèque, un fond de fanzine ainsi qu’une bibliothèque sont mis à la disposition de tou·tes. Une borne d’écoute est à l’étude pour offrir un temps d’écoute de podcast radio et de création sonore sur les féminismes, les théories queer et les minorités de genre.

 

Un reportage réalisé par Céline Lemaître. Mixage : Julien Badoil. Photo de Une : Céline Lemaître pour Radio Parleur.

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