Après deux mois de grève contre la réforme des retraites, étudiant·es et universitaires entrent dans la danse. Pour autant, les revendications vont bien au-delà : opposition large contre la marchandisation des savoirs, la précarisation du travail et absence d’horizon commun pour l’université. On fait le point avec Robi Morder, politologue et historien spécialiste des mouvements étudiants (Germe).

Depuis début janvier 2020, le milieu étudiant et universitaire s’organise dans le cadre de l’opposition à la réforme des retraites. « Contre la marchandisation des savoirs, nous voulons un véritable service public d’enseignement et de recherche, intégré à une éducation publique de qualité de la maternelle à l’université » réaffirme la motion adoptée par la première coordination nationale « des facs et labos en lutte » réunie à la bourse du travail de Saint-Denis, le 1er et 2 février.
 
Précarité étudiante ; opposition à Parcoursup ; augmentation des frais d’inscriptions pour les étudiant.es étranger.ères ; réforme de la formation des enseignant·es ; projet de Loi de Programmation Plurianuelle de la Recherche (LPPR) ; c’est dans ce contexte de profonde transformation que les travailleur·ses précaires de l’université, les enseignants-chercheurs et les collectifs étudiants appellent à la grève. Une date est posée : le 5 mars 2020. L’objectif est ambitieux : « aucune fac ni aucun labo en fonctionnement » en France.

Dans le milieu étudiant et universitaire, la colère se structure 

On les voyait pourtant peu depuis le début du mouvement contre la réforme des retraites. La reprise des transports et l’annonce des mesures de la LPPR semblent avoir convaincus milieux enseignants et étudiants de faire grève. À Saint-Denis ce matin, l’Université Paris-8 était bloquée. Un piquet de grève s’y tient, comme tous les matins depuis plusieurs semaines, pour informer les étudiant·es sur le mouvement social en cours. A l’université Paris-1 Panthéon-Sorbonne, des étudiant·es opposé·es à la réforme des retraites sont parvenu·es à bloquer le centre Pierre Mendès-France malgré l’intervention de la police et l’usage de gaz lacrymogène. À Lille, des femmes travaillant à l’université ont réalisé un happening devant la gare. Elles critiquent notamment le caractère discriminatoire pour les femmes de la réforme des retraites. A Lyon, le premier cortège croisé par nos journalistes est celui de l’enseignement supérieur, professeur·es et étudiant·es confondu·es. A Montpellier aussi, les étudiant·es sont en tête de cortège. Ils et elles ont bloqué ce jeudi 6 février l’accès à l’université Paul-Valéry, avant de rejoindre la manifestation aux côtés des autres secteurs mobilisés contre la réforme et d’y associer leurs propres revendications.

Quelles revendications porte le mouvement étudiant actuel ?

Un ensemble de revendications très large, qui s’explique avec l’évolution du système universitaire en France. Mise en concurrence, bureaucratisation, sur-spécialisation et marchandisation des savoirs… Pour Robi Morder, cet ensemble de revendications est en lien étroit avec les réformes qui se succèdent depuis les années 1980. Le but de l’université n’est plus tant l’apprentissage désintéressé de savoirs que l’optimisation de l’apprentissage de connaissances, permettant d’obtenir une position favorable sur le marché du travail. Aujourd’hui, l’opposition qui se cristallise à l’université plonge ses racines en profondeur. Pour Robi Morder, c’est contre la vassalisation de l’université par le monde de l’économie que la lutte semble aujourd’hui se réorienter.

Les dynamiques du mouvement étudiant actuel et l’ensemble de ses revendications se restructurent ainsi davantage autour des transformations de l’université et d’une nouvelle vision de notre société. Après l’émulation des événements de Mai 68, le monde universitaire se trouve à nouveau dans une phase de réflexion importante. Au-delà des revendications sectorielles (bourses, logement), se pose la question de savoir ce que nous faisons tous ensemble. Et de se demander : « Quelle université, pour quelle société ? ».

Un entretien réalisé par Gary Libot. Photo de Une : Tristan Goldbronn pour Radio Parleur.

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