Mercredi 11 septembre 2019 se tenait au tribunal de grande instance de Paris le procès des 9 “décrocheurs” de portraits présidentiels. Ils et elles sont accusé‧es de “vol en réunion” pour avoir dérobé l’effigie d’Emmanuel Macron dans les mairies du IIIe, IVe et V arrondissement de la capitale le 21 et 28 février dernier. Un rendez-vous judiciaire que les activistes ont tenté de transformer en procès de “l’inaction climatique“.
Cet article a été initialement publié le 12 septembre 2019.
Paris, à quelques encablures de la Porte de Clichy. Dès 7h30 du matin, les soutiens sont nombreux, massés aux abords de l’entrée du tribunal. On ne compte plus les pancartes ANV-COP21 brandies et les prises de parole en soutien aux 9 prévenu‧es convoqué‧es ce matin. Les noms de ces décrocheurs de portraits : Marion Esnault, Pauline Boyer, Thomas Galtier, Emma Chevalier, Étienne Coubard, Cécile Marchand, Félix Vève, Alma Dufour et Vincent Verzat. Ils et elles ont entre 23 et 36 ans et risquent jusqu’à 5 ans de prison et 75 000€ d’amende. Leur délit présumé : avoir participé à une action de désobéissance civile inscrite de la campagne “Décrochons Macron” initiée par ANV-COP21 depuis le 21 février.
Si l’ambiance est d’apparence détendue, si bien que Vincent Verzat, vidéaste de la chaîne Youtube “Partager c’est Sympa” a le sentiment de “passer en conseil de discipline”, l’entrée en salle d’audience est plus sérieuse. “Il y a de l’enjeu” glisse le père de Félix, l’un des prévenus.. Tout “l’enjeu” pour les 9 accusé‧es aligné‧es devant la présidente du tribunal sera de justifier leurs actes par “l’état d’urgence” face au réchauffement climatique.
De la nécessité de désobéir
Vincent Verzat nie absolument avoir participé au décrochage du portrait du 21 février 2019 dans la mairie du Ve arrondissement à la barre, défendant son statut de “journaliste militant” venu couvrir l’action. Quant aux 8 autres prévenu‧es, ils‧elles vont tour à tour détailler leur rôle de désobéissants. Tout‧es mettent en avant le motif qui les guide : “alerter l’opinion sur le fait que le gouvernement ne respecte pas l’accord de Paris”. Ils et elles s’interrogent également sur la proportionnalité de la répression judiciaire. En effet, ils et elles sont devant le tribunal pour “un cadre qui vaut 8€ et quelques” rappelle Pauline Boyer.
Sur le même sujet, retrouvez notre reportage : dans les coulisses d’une action de désobéissance civile
“Était-il nécessaire de se mettre en situation d’infraction ?” questionne la présidente. Les actions mises en place par ANV-COP21 et le mouvement Alternatiba depuis plusieurs années sont énumérées. A la barre, Pauline Boyer s’impatiente : “Je ne vois plus quoi faire d’autre que ce type d’actions. Je le vois comme un devoir moral d’interpeller même si c’est illégal”. L’avocat Me Alexandre Faro refuse que l’on traite ses clients comme de “vulgaires voleurs de sacs” alors même que “ces désobéissants demandent l’application de la loi internationale”. Les 4 avocats de la défense se relaient pour plaider “l’état de nécessité”. Une notion juridique qui a déjà fait jurisprudence. Elle stipule qu’un acte illégal peut être autorisé s’il empêche la réalisation d’un dommage plus grave. Une décision appliquée lors de la relaxe de faucheurs d’OGM en novembre 2016.
Plaidoyer pour l’urgence climatique devenu “coloc d’un sujet de société”
Chaque témoin appelé à la barre joue un rôle précis et accapare l’attention d’apparence sincère de la présidente. On retient l’intervention de Célia Blauel, élue adjointe à la Maire de Paris en charge des questions liées à la Transition écologique. Elle rappelle que sa mairie ne s’est pas constituée partie civile, ne se sentant pas “victime” dans cette affaire.
Lors de la description de l’état climatique de la terre par Christophe Cassou, scientifique membre du Groupe International d’Étude sur le Climat (GIEC), le procureur s’agace. “Il s’agit ici de débats de société et politiques que l’instance n’a pas à juger”, lance-t-il en coupant le témoin. Un peu plus tard, c’est la présidente qui interrompt la prévenue Cécile Marchand alors qu’elle détaille les principes de la désobéissance civile. “Ceci n’est pas une tribune médiatique” assène la magistrate.
Sourd au motif de l’action, le procureur présente ses réquisitions en fin de journée : 1000€ d’amende dont 500€ avec sursis pour chacun des prévenu‧es. Au-delà de la sanction, il y voit un message à envoyer pour ne pas “légitimer les actions à venir”. Les activistes espèrent par la médiatisation de leur procès être parvenus à porter “l’urgence à agir” bien au-delà de la salle d’audience parisienne, en attendant le rendu du jugement le 16 octobre prochain.
Un reportage réalisé par Romane Salahun.