« La conclusion de l’expertise est erronée et mensongère » martèle Assa Traoré, sœur d’Adama Traoré, décédé le 19 juillet 2016 à Beaumont-sur-Oise, lors de son interpellation. Postée sur la place Saint-Michel, à Paris, aux côtés des proches et membres du collectif Vérité pour Adama, le mardi 2 octobre 2018, elle conteste le résultat de la dernière expertise médicale, s’attachant à faire la lumière sur la mort du jeune homme. Selon quatre experts, Adama Traoré est mort des suites de l’effort fourni dans sa course pour fuir les gendarmes.
18 minutes de sprint « inventées »
Après deux autopsies, une expertise rendue en 2016 et une contre-expertise aux conclusions divergentes un an plus tard, cet ultime rapport écarte la responsabilité des gendarmes dans le décès du jeune homme de 24 ans. Une mort par « asphyxie » : les multiples rapports concluent en ce sens. Mais quelle en est la cause ? Consultées par Le Monde, les explications actuelles des experts se concentrent sur l’effort fourni par Adama Traoré et le stress lors de sa fuite, rendus fatals par les pathologies dont il souffrait. Une réaction en chaîne qui serait liée au « trait drépanocytaire » et à une « sarcoïdose de stade 2 », diagnostiqués chez lui.
Premier élément discordant : l’affirmation d’un cœur défaillant tombe. Réfutant les premières autopsies et décrivant le « cœur d’athlète » du jeune homme, le rapport note qu’il aurait pourtant parcouru 437 mètres en 18 minutes lors de sa fuite, relevant d’un « effort maximal » de sa part. Une incohérence soulevée par la famille, qui dénonce une conclusion fondée sur « des éléments faux ».
Autre élément confus : Après avoir fui les gendarmes, Adama Traoré est finalement interpellé dans un appartement. Selon l’expertise, son pronostic vital est déjà engagé à ce moment-là. Assa Traoré fustige la contradiction : « D’après eux, l’interpellation était très violente […] Si Adama est arrivé presque mort dans cet appartement, ils n’avaient pas à user de cette force-là ». Or les gendarmes, par un plaquage ventral, ont bien immobilisé la victime sous « le poids de leur corps », comme ils l’ont reconnu lors de l’enquête. Les experts indiquent bien une compression thoracique due à cette action, sans mentionner cet élément dans la conclusion du rapport.
« C’est une affaire d’État »
Pour Youcef Brakni, membre du collectif Vérité pour Adama, ce rapport illustre la volonté de la Justice et de l’État « d’étouffer cette affaire ». L’incompréhension est totale pour Oumou Traoré, mère de la victime, qui demande la mise en examen des gendarmes.
La colère est immense pour les proches qui placent leurs espoirs dans une reconstitution des faits et appellent à une mobilisation populaire le 13 octobre 2018 pour faire pression face à ce « déni de justice ». Lofti, ami d’Adama Traoré, prévient : « Si ça n’avance pas, on va monter d’un cran ».