L’événement est historique. La pandémie de coronavirus a figé nos modes de vie. Pourtant, le politique et l’économique rêvent d’un arrêt temporaire qui n’empêcherait pas de tout reprendre comme avant. Face à cela des voix s’élèvent, Avec « Ceci n’est pas une parenthèse », Radio Parleur vous propose une série de podcasts pour entendre celles et ceux qui pensent déjà au monde d’après.
Retour sur la série de podcasts produit pendant le confinement pour réfléchir au monde d’après.
ÉPISODE 1 : Une voix pour les prisonnières, avec Gwenola Ricordeau
La chercheuse Gwenola Ricordeau détaille les conséquences de la crise sanitaire sur l’univers carcéral et propose une réflexion sur la lutte abolitionniste. Dans les prisons, les gants et les masques sont quasi inexistants. Le gel hydroalcoolique, lui, est interdit. Les témoignages de détenu·es se multiplient pour dénoncer ce manque de mesures. Ils et elles s’alarment des risques qu’ils et elles encourent, dans des prisons surpeuplées. Elle émet une critique non seulement les prisons, mais du système pénal dans son ensemble : la police, la justice et les prisons.
ÉPISODE 2 : Les voyageurs ont cessé de voyager, avec William Acker
Le juriste et voyageur William Acker raconte le confinement de la communauté des « gens du voyage » en France. Dans les aires d’accueil des voyageurs, les robinets et les sanitaires se partagent. Les gestes barrières sont plus difficiles à appliquer dans un confinement en communauté fermée, au même titre que dans les prisons ou les Ehpad. Les dépistages et les distributions de masques ne s’effectuent que si « un drame arrive ». Ici, le confinement force l’arrêt total du travail, et accentue l’inquiétude de toutes et tous, quant à l’avenir économique et social de ces communautés.
ÉPISODE 3 : A l’école, l’émancipation sera collective, avec Véronique Decker
L’enseignante et directrice d’une école élémentaire à Bobigny (Seine-Saint-Denis) Véronique Decker revient sur le confinement qui a interrompu brutalement l’année scolaire. Depuis le 17 mars, élèves et professeurs expérimentent l’enseignement à distance. L’objectif : assurer la continuité pédagogique. L’idée est que chaque élève garde un lien avec l’école et les professeurs. Pourtant, les inégalités entre les élèves semblent n’avoir jamais été aussi importantes.La fracture numérique rends difficile le suivi des devoirs et des connaissances. « La crise a fait prendre conscience à tout le monde que les inégalités à l’extérieur de l’école sont beaucoup plus importantes que les inégalités à l’intérieur de l’école », explique Véronique Decker. En dehors de l’école, les inégalités sont nombreuses et de toutes natures : matérielles, familiales ou encore psychologiques.
ÉPISODE 4 : Travailleurs, travailleuses du clic, défendez vous, avec Antonio Casilli
Le sociologue Antonio Casilli, l’un des seuls spécialistes francophone du digital labour, ou travail du clic, revient dans cet entretien sur les formes de mobilisations des travailleur⋅euses du numérique. Pendant le confinement, les livreurs à vélo étaient presque seuls à traverser l’espace public déserté. Les plateformes numériques de livraison pour lesquelles ils travaillent ont multiplié les offres commerciales, les obligeant à poursuivre les livraisons, touchant poignées de portes et boutons d’ascenseur. L’économie du clic se développe sur des plateformes où la précarité et le paiement à la tâche font loi.
ÉPISODE 5 : Après la pandémie, l’autonomie, avec Sylvaine Bulle
La sociologue Sylvaine Bulle se penche sur les effets de la pandémie sur les mouvements de contestation, les expériences d’autonomie politique, et le désir de ne plus être gouverné. Selon elle, les occupant⋅es des ZAD qu’elle connaît bien se sont adapté⋅es à la crise sanitaire et au confinement. Dans le cas de Notre-Dame-des-Landes, « il n’y a eu aucune discontinuité entre l’avant confinement, le confinement et, désormais, l’après », explique la sociologue. À ses yeux, la crise sanitaire a servi de prétexte au gouvernement pour renforcer la sécurité. Au regard de l’histoire, les pandémies renforcent toujours un contrôle sanitaire et donc, un contrôle social. La répartition des régions en zones verte, orange ou rouge, « et ces dispositifs technocratiques, étendus désormais à des dispositifs de contrôle des populations, relèvent de la biopolitique », analyse Sylvaine Bulle, et menacent la démocratie.
ÉPISODE 6 : Le contrôle social par la surveillance, avec Félix Tréguer
Le chercheur associé au centre Internet et Société du CNRS Félix Tréguer raconte les pratiques liées au contrôle social, et les peurs qu’elles peuvent inspirer : état d’urgence sanitaire, application StopCovid, drones, back-tracking, censure, surveillance… « On a cette idée d’une société hygiéniste, devant adopter des gestes barrières, la distanciation sociale et toutes ces nouvelles peurs qui s’articulent à tout un tas de pratiques de contrôle. C’est une modalité de légitimation supplémentaire qui s’ajoute à des dérives », détaille le cofondateur de la Quadrature du Net, une association qui depuis 2008 défend les libertés fondamentales dans l’environnement numérique. L’application StopCovid, disponible depuis le 2 juin en France est remise en question par le chercheur : « Ça renvoie à une forme de solutionnisme technologique et cette idée que la technologie est toujours une réponse à des problématiques politiques. Ce qui est une idée fausse et dangereuse. »
ÉPISODE 7 : Nous faisons partie de la biodiversité, avec Hélène Soubelet
La directrice de la fondation pour la recherche sur la biodiversité Hélène Soubelet s’interroge sur une nécessaire prise de conscience de la place de l’homme dans le vivant. La crise du coronavirus n’a pas eu d’effets sur le réchauffement climatique, ni sur le déclin de la biodiversité. « On ne pourra pas s’occuper uniquement du sanitaire sans s’occuper de la biodiversité. On peut simplement rappeler qu’en terme de biomasse, les virus pèsent plus lourd que tous les humains réunis. » Autrement dit, la biodiversité joue aujourd’hui les zones tampon entre les humains et ces pathogènes. « S’il n’y plus de biodiversité entre eux et nous, je ne donne pas cher de notre peau ». Pour la chercheuse, il est urgent de modifier en profondeur les activités humaines.
ÉPISODE 8 : En finir avec la souffrance au travail, avec Eric Beynel
Le porte parole du syndicat Solidaires Eric Beynel revient sur les conditions de travail pendant le confinement et sur le procès France Télécom, dont il a tiré un ouvrage, La raison des plus forts, rassemblant des chroniques de ce verdict historique. L’entreprise a été condamnée pour harcèlement moral organisationnel, suite à une vague de suicides et de démissions en 2008 et 2009, témoignant d’une souffrance au travail insoutenable. Selon le syndicaliste : « Nous voulons que ce jugement se propage le plus possible pour que les salarié⋅es, les syndicats s’en servent comme point d’appui pour faire face à ces organisations du travail ». Le confinement a révélé ces pratiques d’entreprises : le télétravail, qui isole les salarié.es, la télésurveillance, qui doit être encadrée. De plus, cette crise a été pour beaucoup synonyme de précarisation, une situation qui ne doit pas durer.
Photo de Une : Pierre-Olivier Chaput. Retrouvez l’ensemble des entretiens en une playlist, ici.