Neuf milliardaires possèdent 90% des médias. Le décor est planté. Dans un documentaire proche d’un thriller médiatique, Mediapart et Premières Lignes dénoncent la dépendance des médias aux finances des milliardaires. Bolloré, Lagardère, Bouygues… tous exercent un contrôle toujours plus accru sur l’information. Derrière la question rhétorique Qui a tué le débat public ?, Media Crash dévide la pelote pour comprendre comment les milliardaires usent de leur pouvoir pour orchestrer la sphère médiatique.

La fin du quatrième pouvoir ?

Procédures baillons, scandales étouffés, articles qui disparaissent mystérieusement… Les grands propriétaires de médias n’ont pas de limites. Dans ce documentaire haletant, les surprises se succèdent, et montrent des milliardaires prêts à tout pour protéger leurs intérêts et ceux de certains politiques. Comme un écho, Media Crash rappelle tristement le documentaire Les nouveaux chiens de garde, réalisé par Gilles Balbastre et Yannick Kergoat.

Media Crash réactualise la collusion entre médias, milliardaires et pouvoir politique. Les faits sont accablants. Impossible de détourner le regard de l’écran. À chaque fois que des journalistes enquêtent sur les magnats de la presse, des menaces sont proférées. Les milliardaires mentent comme des arracheurs de dents pour compromettre les investigateurices. Tous les coups sont permis : avancer des fausses pièces à conviction, production de faux en justice, mensonges face caméra.

Une mainmise médiatique

Alors que la présidentielle bat son plein, l’ARCOM, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, exige une égalité du temps de parole et de commentaire entre les candidat·es. Pourtant, la chaîne CNEWS détenue par Vincent Bolloré met sur le devant de la scène le désormais candidat à la présidentielle Éric Zemmour. Sur le plateau, Zemmour débat… seul. Face à lui, les contradicteurices font de la figuration. CNEWS se transforme en véritable tribune pour le candidat d’extrême droite. La chaîne d’information attendra le dernier moment pour demander au candidat de se retirer le temps de la campagne présidentielle.

Pour le césar du meilleur escroc : Vincent Bolloré 

Jusqu’en 2019, l’industriel breton gérait le port de Douala au Cameroun. La SOCOPAO, qui appartient au groupe Bolloré, était en litige avec deux commerciaux. La justice reconnaît coupable la filiale de Bolloré et la condamne. Pourtant la SOCOPAO n’indemnisera jamais les deux hommes à qui elle doit l’équivalent de 135 000 euros.

Vincent Bolloré poursuit alors Mediapart en diffamation. L’article mis en cause évoque la bataille judiciaire autour de l’affaire. La journaliste Fanny Pigeaud y dévoile la non-application de la décision de justice condamnant la SOCOPAO en 1993. La décision repose sur une annulation par la justice administrative camerounaise, qui date de 1996, de ce jugement de la cour suprême. En janvier 2019, la justice reconnait Mediapart coupable de diffamation.

Revirement de situation, Fanny Pigeaud doute de l’authenticité du jugement de 1996… Car à l’époque, la juridiction censée statuer n’existait pas encore. Celle-ci est en réalité créée cinq ans plus tard, en 2001. La preuve apportée par l’avocat de Vincent Bolloré est un faux, et correspond au numéro du jugement d’une autre affaire. Le groupe Bolloré a donc produit une fausse pièce à conviction. Mediapart est relaxé en appel et porte plainte pour faux. Une plainte classée sans suite. 

Contrôle et pouvoir

À la manière de Bob Woodward et Karl Berstein, les journalistes de Mediapart révèlent des scandales gigantesques, qui ne font même pas ciller Vincent Bolloré. Le 16 février 2022, le collectif Stop Bolloré lance donc un appel. Il dénonce un « empire médiatique »,  qui sert « une idéologie tentaculaire ». La frontière entre les pouvoirs politiques et médiatiques s’amoindrie.

Une fois la salle de cinéma plongée dans le noir, il est difficile de revenir à la réalité. Une chose est sûre, on sort avec la conviction que les médias indépendants sont indispensables pour garantir notre démocratie et que le combat doit continuer. N’attendez pas et précipitez-vous dans le cinéma indépendant le plus proche !

Un article de Noémi Gloor. Photo de Une : affiche du film Media Crash