Ancienne collaboratrice parlementaire, Fiona Texeire est aujourd’hui conseillère à la mairie de Paris. Elle est surtout l’une des initiatrices du #MeTooPolitique, un mouvement pour lutter contre le sexisme, les harcèlements ou les agressions sexuelles dans la sphère politique. Le timing n’a pas été choisi au hasard. À quelques mois de l’élection présidentielle, il veut imposer ce sujet dans le débat.
C’est la publication d’une tribune mi-novembre qui lance le mouvement. Elle parait dans le quotidien Le Monde, titrée « pour un #MeTooPolitique », signée par 285 femmes. Parmi elles, on compte par exemple Karima Delli (d’EELV), Danièle Obono (LFI) ou encore la vice-présidente du Sénat Laurence Rossignol (PS) (NDLR : ainsi que Violette Voldoire co-fondatrice de Radio Parleur). Le message est clair : « le monde politique doit assumer ses responsabilités, et écarter les auteurs de violences sexuelles et sexistes de ses rangs ».
Des agresseurs dans les partis, dans tous les partis
À l’origine du combat de Fiona Texeire, son propre parcours. « Depuis 13 que je suis en politique, j’ai été confrontée, parfois en tant que témoin, parfois en tant que victime au sexisme qui traverse la classe politique française ». Mais aussi, l’histoire de sa famille politique : Europe Écologie Les Verts (EELV). Lors du procès Denis Baupin, député EELV finalement condamné pour harcèlement et agressions sexuelles, Fiona Texeire se pose ces questions fondamentales : « Comment a-t-on pu l’investir alors qu’on savait comment il se comportait avec les femmes ? Pourquoi est-ce qu’on continue dans les partis politiques à promouvoir des agresseurs notoires ? »
Un réseau de protection et de complicité
L’actualité de ce mois de novembre n’a fait que donner davantage de raison d’être à la création de ce mouvement. Quelques jours après la parution de la tribune, France 2 diffuse un Envoyé Spécial consacré à une enquête sur des accusations d’agressions sexuelles contre l’ancien ministre de l’écologie Nicolas Hulot. Pour Fiona Texeire, la question se pose une nouvelle fois : « L’histoire de Nicolas Hulot, elle est en fait au cœur de ce que pose le #MeTooPolitique. Quand il est nommé ministre, on peut déjà se demander est-ce que le président de la République est au courant ? »
Pour Fiona Texeire, un chose est certaine, chez les écologistes ses agissements étaient connus. « Moi en tant que jeune militante on m’avait mise en garde contre lui. Je me rappelle également de cette amie à qui on avait dit, “ tu ne pourras pas intégrer l’équipe de campagne du candidat parce que, dixit, tu l’excites trop”. »
Mais alors qu’est-ce qui a protégé Nicolas Hulot et qu’est-ce qu’il lui a permis d’occuper l’une des plus hautes fonctions de l’état, celle de ministre ? Selon Fiona Texeire pas de doute, il s’agit « d’un réseau de protection pour le dire aimablement, on pourrait dire de complicité ».
“L’idée que les femmes seraient des hystériques en croisade »
Le président de la République a réagi à ces accusations avec ces mots très durs, il a parlé d’une société d’inquisition. Pour Fiona Texeire derrière cette affirmation du chef de l’État, se trouve « l’idée que les femmes seraient des hystériques en croisade contre finalement des hommes qui seraient eux les victimes, on est encore en train d’essayer d’inverser la culpabilité, c’est la mécanique classique dans ces affaires. »
Un combat qui reste fragile car rares sont les femmes qui osent parler, par peur de l’agresseur et par peur de perdre leur travail. Plus rares aussi sont les structures qui recueillent leur parole, et agissent pour faire cesser les faits dénoncés. S’il existe des dispositifs d’alerte, comme par exemple au Parlement Européen, « ils ne fonctionnent pas de façon efficace. Il est très rare que ce soit suivit d’effet, c’est-à-dire qu’il y ait un signalement au procureur, » estime Fiona Texeire.
Des engagement concrets posés par #MeTooPolitique
De même dans les partis politiques, si certains ont lancé des cellules d’écoute, la question est de savoir « s’il y a un lien direct qui est fait entre la cellule d’écoute qui recueille les témoignages, et la commission électorale qui est en charge de designer des candidats à une élection ? »
Pour prévenir contre ces agissements, le mouvement appelle les partis a signer une charte en trois points. Le premier : cesser d’investir aux élections des personnes mises en cause pour violences sexistes et sexuelles. Le deuxième : cesser d’embaucher dans les organisations politiques des personnes mise en cause pour ces mêmes faits.
Le troisième s’adresse plus particulièrement aux maires et aux élus investis capables de parrainer des candidats à la présidentielle. Il s’agit de s’engager à ne pas donner leurs parrainages à des candidats accusés de tels faits. Actuellement, trois candidats à la présidentielle sont mis en cause pour violences sexistes et sexuelles, François Asselineau, Jean Lassalle et Éric Zemmour.
Un entretien réalisé par Scarlett Bain. Identité sonore : Etienne Gratianette (musique/création).