Début octobre à Marseille, en pleine grève des éboueurs, des fortes pluies charrient les montagnes d’ordures accumulées jusqu’au littoral. Un nouvel épisode de pollution dans une ville qui en connaît régulièrement. Face à ce constat, des habitant·es se mobilisent. Dans l’Actu des Luttes cette semaine, on part à la rencontre de celles et ceux qui ramassent, sans attendre l’action des autorités locales.


Retour en arrière. Nous sommes le 4 octobre 2021 et des élus de la Mairie de Marseille dénoncent un « écocide » face au spectacle de leurs plages jonchées de détritus. “On s’est retrouvé·es avec des plages qui étaient des dépotoirs, on ne voyait quasiment plus le sable. (…) Et ce n’est que la partie émergée de l’iceberg.” raconte Sarah Hatimi, responsable de l’association Surfrider en Méditerranée. La militante rappelle aussi que le problème n’est pas nouveau. Certes, les pluies torrentielles et la grève des éboueurs ont accentué le phénomène, mais cela fait de longues années que son association dénonce l’inaction des autorités.

A Marseille, “les déchets sur les plages, la partie émergée de l’iceberg”

De son côté, Clean My Calanque est née en 2017. Céline en fait partie depuis l’origine. Sur la digue au pied du MUCEM, elle raconte la naissance de l’association : “on est allé à la calanque de Callelongue. On peut y accéder en voiture. On était huit, et en une heure, on a ramassé vingt sacs de déchets”. Cette histoire, Céline nous la raconte à l’occasion du la 54ème opération de ramassage organisée par Clean My Calanque. Séance d’échauffement crossfit, DJ aux platines pour encourager les équipes de ramassage : sur la digue on croise des étudiant·es, des militant·es écolo ou des enfants accompagnés de leurs parents.

L’une des équipe rentre victorieuse. Elle raconte sa trouvaille : “on vient de tomber sur une poubelle géante ! Il y avait un trou, on a vu des tonnes de déchets entassés”, peste une jeune membre d’un club sportif venue prêter main forte. A la fin de l’opération, plusieurs dizaines de sacs s’entassent déjà, après une grosse heure de collecte.

Bilan du ramassage organisé par le collectif Clean My Calanques sur la digue du MUCEM au mois de novembre, plusieurs dizaines de tonnes de déchets sont collectées. Crédit : Rynkairu.
Bilan du ramassage organisé par le collectif Clean My Calanques sur la digue du MUCEM au mois de novembre, plusieurs dizaines de tonnes de déchets sont collectées. Photographie : Rynkairu.

Même dans une ville extrêmement mobilisée comme Marseille, ces ramassages citoyens ne compensent la pollution chronique du littoral. “Il y a des déchets qui coulent, d’autres qui dérivent au large” et la situation déchaîne les colères “contre nous-mêmes qui consommons trop, mais aussi contre les industriels qui proposent toujours des produits suremballés”. Les autorités locales ne sont pas non plus épargnées par Sarah Hatimi. “C’est pas qu’à Marseille, on a ce problème dans toutes les villes du littoral”, précise la militante associative avant de concéder, “clairement il y a des lacunes sur la gestion des déchets, à chaque gros orage on revit cette situation”.

“Les collectivités se rejettent la responsabilité”

Pour mieux comprendre, on a ensuite rencontré Hervé Menchon. Il est adjoint au maire de Marseille en charge de la biodiversité marine, élu en 2020 sur la liste Printemps Marseillais de rassemblement de la gauche. Pour lui, c’est la métropole, contrôlée par la droite, qui est responsable du pourrissement de la situation. En effet, depuis plusieurs années, la gestion des déchets dépend de la communauté de commune Aix-Marseille-Provence. La nouvelle équipe municipale souhaite reprendre la gestion des ordures, mais “on ne sait même pas encore à quelle date on va reprendre cette compétence” reconnaît-il. Du côté de la métropole, pas de déclaration officielle mais hors-micro, on pointe surtout les comportements individuels et on en appelle à la responsabilité civique des habitant·es.

Marius Rivière est journaliste indépendant. Au mois d’octobre, il a signé un article sur la pollution des plages pour Reporterre, le quotidien de l’écologie. “Les collectivités se rejettent la responsabilité du blocage du ramassage” explique-t-il, avant de balayer l’argument de la responsabilité individuelle mis en avant par la métropole. “J’ai envie de dire : c’est ton boulot mec ! C’est de faire que ça soit propre. Alors lance une grande campagne de sensibilisation ! Je fais pas de l’angélisme mais là, c’est fatiguant “. Pour Marius Rivière, les collectivités locales peuvent  pourtant trouver des exemples vertueux dans d’autres villes  de France. “Je suis allé à Grenoble, ils ont un bac composteur à l’échelle de l’immeuble, ils ont cinq poubelles. Nous, quand on trouve un bac jaune c’est le bout du monde !”

Un épisode de l’Actu des Luttes coordonné et présenté par Martin Bodrero. Reportage réalisé par Martin Duffaut, article écrit par Martin Bodrero. Photographie de Une : Rynkairu.

Identité sonore Actu des Luttes : Etienne Gratianette (musique/création) et Elin Casse, Antoine Atthalin, Romane Salahun (voix)