Le ministre de l’Éducation Nationale a annoncé fin juin une nouvelle réforme du baccalauréat. Elle donne au contrôle continu une influence majeure dans l’évaluation finale. La mesure est contestée par les syndicats d’enseignant‧es. Ceux-ci dénoncent un renforcement des inégalités entre établissements scolaires et une dégradation des conditions d’apprentissage.
Début juillet, les élèves de terminale ont reçu les résultats du baccalauréat 2021. Pandémie oblige, l’évaluation s’est déroulé presque uniquement en contrôle continu. Une modalité d’évaluation mise en place pour la deuxième année de suite et qui semble plaire au gouvernement. Dans un communiqué publié le 9 juillet, Jean-Michel Blanquer confirme qu’il n’y aura pas de retour aux épreuves classiques à la rentrée prochaine.
Présenté comme un ajustement de la reforme mis en place en 2020, le nouveau projet ressemble surtout à un dernier coup de grâce pour l’épreuve commune du baccalauréat. Appliquée dès la rentrée prochaine, cette nouvelle modification sonne le glas des épreuves communes (E3C) nationales.
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Crées en 2020, elle n’auront donc survécu à la pandémie. À la place, 40% de la note finale proviendra d’un contrôle continu total. Les élèves passeront toujours les épreuves de français, de spécialité, ainsi que la philosophie et le grand oral. En revanche, les notes des autres matières seront établies sur la moyenne générale annuelle des bulletins de terminale. Avec cette évaluation permanente, le ministère espère « impliquer l’élève toute l’année dans ses apprentissages».
Une réforme du bac qui risque de créer des inégalités entre établissements
Mais cette réforme alerte les enseignant‧es. « C’est la fin du bac anonyme tel qu’on le connait » estime Felix, professeur au lycée Henri Wallon à Aubervilliers (93). Comme le précise la SNES FSU dans un communiqué, la réforme risque de renforcer les inégalités entre établissements. « L’évaluation locale fait donc de la réputation du lycée d’origine un élément discriminant essentiel pour l’accès à l’enseignement supérieur » affirme le syndicat.
Au lycée Henri Wallon, les professeur·es s’inquiètent, « un‧e lycéen‧ne de banlieue populaire pourrait avoir un bac qui vaut moins que celui d’un lycée parisien. On l’a déjà vu ces dernières années avec Parcoursup », explique Jean-Luc, l’un des enseignants. Comme le dénonce Eden, membre de Solidaires Lycéen‧nes Île-de-France : « encore une fois, c’est le secteur privé et les lycées d’élite qui vont se retrouver encore plus avantagés, à défaut des classes populaires. »
Les professeurs transformé‧es en examinateurs quotidiens ?
Au quotidien, la relation entre professeur‧es et élèves pourrait également se dégrader. Avec ce passage à un rôle d’examinateur·trice, le métier se transformera, craignent les professeur‧es. « Avec cette situation d’évaluation très stressante pour les élèves, c’est compliqué de créer une relation de confiance. On est à la fois celui qui est censé former, émanciper et celui qui doit sanctionner et évaluer. C’est déshumanisant », témoigne Guillaume, lui aussi professeur au lycée Henri Wallon. Une situation déjà vécue pendant les confinements liés à la pandémie. « On a eu une responsabilisation des professeur‧es jamais vue. On recevait des appels des parents d’élèves demandant de noter mieux leurs enfants. On sent que la pression est extrêmement forte sur les élèves. » En bout de chaîne, c’est l’apprentissage en lui-même qui risque de se dégrader : « on perd beaucoup de temps à évaluer et les élèves sur nôtre temps d’enseignement. »
Un reportage réalisé par Esther Laudet pour Radio Parleur. Photographie de Une : Violette Voldoire pour Radio Parleur.
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