Pour les 66 000 personnes détenues en France, le parloir est la seule possibilité de passer un moment avec ses proches. Au pic de la pandémie, le droit au parloir a  pourtant été suspendu pendant plusieurs mois. Leur réouverture très progressive fragilise un lien avec l’extérieur déjà précaire.

MAJ 19/01/2022 : La nouvelle vague de la pandémie de Covid portée par le variant Omicron met à nouveau sur la sellette le droit des détenu·es à accéder au parloir. Actuellement une trentaine d’établissements pénitentiaires sont “en situation de quasi cluster” selon l’administration. Un statut qui désigne des prisons avec au moins trois cas simultanés détectés. Depuis le 13 janvier, c’est la maison d’arrêt de Nîmes, qui est en état de “Cluster Total”. Un terme administratif qui répond aux contaminations de 18 détenus et 4 gardiens. Pour faire face à la situation le syndicats réclame de “stopper les entées“, d’isoler la prison et donc la fermeture des parloirs. Un nouvel épisode des difficultés à protéger ce droit fondamentale des personnes détenu·es en France


Ce sont des petites pièces individuelles, ou de grandes salles pouvant accueillir parfois une dizaine de familles. Les parloirs sont les seuls lieux où les détenu‧es peuvent entrer en contact avec leurs proches, pour un entretien réglementé de 45 minutes. Ces moments de rencontre sont cruciaux pour la réinsertion sociale des prisonnier‧es, dans l’objectif de diminution de la récidive. C’est en particulier le cas pour les populations jeunes, défavorisées, précaires et en mauvaise santé, surreprésentées dans les prisons.

Des conditions d’accueil et de visites précaires

Pourtant, comme confirmé par l’Observatoire International des Prisons, les associations qui gravitent autour du monde carcéral alertent sur les récentes conditions de déroulement des parloir. Trois associations – les Visiteurs de Prison (ANVP), l’Association d’Accueil de Familles de Détenus (AFDMA) et le Relai Enfant Parent – qui travaillent au contact des parloirs nous racontent leur expérience. Éloignement géographique, temps d’attente, absence d’accompagnement : les moyens pour assurer la venue des familles restent faibles. Et pendant le temps d’accueil au parloir, les visites ne se déroulent pas toujours bien.

Le parloir, victime de la pandémie, mais pas que

À la maison d’arrêt de Saint-Brieuc, « ce sont des grandes pièces où une dizaine de familles peuvent échanger en même temps. En réalité on ne s’entend pas, il n’y a presque pas d’intimité », raconte une membre de l’AFDMA. Un rapport du Conseil économique, social et environnemental, pointe le rôle de la surpopulation carcérale dans ces conditions d’accès. « La surpopulation complique l’accès aux équipements aménagés. Elle réduit la disponibilité des parloirs et du personnel et donc la fréquence et la durée des visites. Alors, pour les proches, les temps d’attente s’allongent dans des salles sur-occupées, ce qui finit par dissuader les visites ».

Il en va de même pour les relations parents-enfants rendues difficiles, malgré l’implantation progressives des Unités de Vie Familiales. Celles-ci permettent aux détenu·es de passer un moment dans un appartement en présence de leurs familles. « Les parloirs classiques ne sont pas du tout équipés pour l’accueil de jeunes enfants », explique le Relai Enfant Parent. Pourtant, seuls 55 établissements pénitentiaires sur les 188 existants en France sont dotés de tels équipements.


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Confinement des parloirs 

Loin des regards, la crise sanitaire a durement touché les prisonnier·es. Face à la peur des contaminations, le parloir a fermé ses portes dès le début de la pandémie. Par la suite, le nombre de visites est réduit, puis elles sont rendu inaccessibles aux mineur·es. Des vitres en plexiglas sont montées entre visiteur·ses et détenu‧es. Le dispositif rend la communication plus difficile, au mieux. Au pire, il la déshumanise comme l’explique l’AFDMA. « Entre le masque et le plexiglas, les gens ne s’entendent plus ! C’est très difficile pour les détenu‧es. » Les visiteurs de prison de Saint-Brieuc témoignent : « cette semaine, je voyais une personne détenue qui me disait : j’ai demandé à ma compagne de ne plus venir ! ». Le lien entre les détenu‧es et leurs proches est meurtri pour longtemps, alertent les associations. Quant aux conséquences psychologiques à long terme de cet enfermement dans l’enfermement, elles se feront immanquablement sentir dans le futur.

Un reportage d’Esther Laudet pour Radio Parleur. Photo de Une : Parloirs “Statsi Prison” par Oh-Berlin.com (Creative Commons)

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