Lorraine Coeur d'Acier radio

Lorraine Cœur d’Acier, l’histoire d’une radio pirate qui défia le pouvoir

Grâce aux dessins de Vincent Bailly, l’auteur Tristan Thil retrace un jalon essentiel dans l’histoire des luttes et celle des radios libres. Il y a quarante ans, face à la fin de la sidérurgie dans le Pays haut Lorrain, Lorraine Cœur d’Acier libérait la parole d’une population tout entière. Un album publié le 7 avril 2021 aux éditions Futuropolis.

Le 12 décembre 1978, la présidence de Valéry Giscard d’Estaing annonce le plan Davignon, liquidant la sidérurgie dans le bassin lorrain. Début mars 1979 débarquent à Longwy les journalistes Marcel Trillat et Jacques Dupont. A l’initiative de la Confédération Générale du Travail, les deux journalistes animent des mois durant ce qui va devenir une radio à nulle autre pareille. Une radio libre, une radio illégale défiant le pouvoir giscardien. Mais aussi une radio « de lutte » au sens plein de ce terme.

« Longwy vivra ! » : Radio Lorraine cœur d’acier, « radio de lutte » de la CGT,

Car c’est dans un contexte de lutte, avec une classe ouvrière encore puissante, que naît Lorraine cœur d’acier. Pilotée par la CGT, elle va rapidement devenir une aventure collective. « C’est toute la population qui se sentait concernée par le projet de fermeture de l’usine. » La radio libre dépasse les schémas de propagande syndicale, au-delà des sidérurgistes et de leurs familles. Elle saisit sur le vif l’ordinaire des rapports sociaux et des modes de domination. Qu’ils soient culturels, de genre ou de nationalité.

L’histoire racontée dans la bande-dessinée est une fiction, mais la toile de fond est réelle. On y investit le studio de l’hôtel de ville de Longwy-Haut, le crassier et son SOS lumineux. Le lecteur y croise Michel Olmi, le secrétaire de l’union locale CGT à l’époque, ou encore Marcel Trillat. Des protagonistes historiques, auxquels viennent s’ajouter des personnages fictifs. Il y a Eugène, qui ne comprend pas qu’on donne la parole aux gauchistes ou à la droite. À rebours de Camille, son fils, qui la fréquente chaque jour, et pas seulement pour la belle voix de Mathilde…


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En leur donnant la parole, la radio rend visibles les invisibles

« La radio est au début de l’album une source de conflit, puis les personnages évoluent grâce à elle » explique l’auteur. Il y a par exemple, ces femmes, qui s’émancipent en témoignant des violences gynécologiques à l’hôpital de Longwy. « Cette parole qui éclate, elle représente bien ce que la radio a fait pour les gens qui l’écoutaient et qui y participaient. Les vannes sont ouvertes. Tout sort avec fracas. » A l’époque, l’épisode fait scandale. Des médecins, directement accusés, débarquent dans le studio et demandent à répondre. « Il y a eu des discussions et des engueulades : ça a foutu un bordel pas possible. Mais c’était bien, c’était nécessaire » sourit Tristan Thil.

Pour aller plus loin :

Un entretien de Tristan Goldbronn. Photo de Une : Illustration de Lorraine Coeur d’Acier. Archives sonores issues des films d’Alban Poirier, Jean Serres et Isabelle Cadière.

 

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