L’hôpital public va mal. Est-ce bien le moment de l’affaiblir ? L’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) s’apprête, avec l’aval du gouvernement et de la mairie à fermer deux hôpitaux : Bichat à Paris et Beaujon à Clichy, au profit d’un campus géant en banlieue parisienne. Furieuses, les équipes soignantes et leurs soutiens se mobilisent contre la suppression de 300 lits dans l’opération.
Les appels répétés à la prise de conscience commence à porter leurs fruits. Soignant·es, syndicats, citoyen·nes et représentant·es politiques s’inquiètent de plus en plus des moyens alloués aux services de la santé publique. Dans les circonstances actuelles d’aménagement urbains liées aux chantiers du Grand Paris, un projet de centre hospitalo-universitaire « Grand Paris Nord » suscite ainsi l’incompréhension.
Fusion de Beaujon et Bichat au profit d’un hôpital « mastodonte »
« La logique de l’AP-HP, c’est de réorganiser en créant de gros mastodontes, pour mieux supprimer des lits et des postes ! » tonne Danielle Simonnet, élue France Insoumise au conseil de Paris. Le projet prévoit donc la fermeture de l’hôpital Bichat, dans le 18ème arrondissement de Paris, et de l’hôpital Beaujon à Clichy, à l’horizon 2028. Toutes leurs activités médico-chirurgicales seront transférées dans ce nouvel établissement hospitalier universitaire, dont la construction doit débuter en 2024 et qui se veut ultra-moderne. Une vieux serpent de mer, ressorti des cartons en 2013 par François Hollande.
À l’époque déjà, nombreux·euses sont les soignant·es qui lui reprochent de détériorer l’offre de soin. Déporter toute l’offre de soin dans « un mastodonte » en banlieue n’est pas une solution pour les soignant·es mobilisé·es. Ainsi, Jacques, aide-soignant, redoute que cela « engendre d’énormes difficultés de prise en charge dans le secteur du 93 où les gens sont très démunis. »
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Bataille autour du nombre de lits
La bataille des chiffres bat son plein depuis la présentation du projet par l’AP-HP en novembre dernier. La pomme de discorde restant le nombre de lits. L’AP-HP présentait en novembre un projet à un peu moins de 1000 lits, soit 300 de moins que Beaujon et Bichat réunis. Les opposant·es au projet s’émeuvent publiquement.
En mars, l’hôpital Grand Paris Nord promet alors l’accueil de 1 223 patients par jour, et même 1317 en poussant un peu les murs. Problème réglé, alors ? Pas si sûr. Pour les opposant·es au projet, la croissance démographique va engendrer des besoins supplémentaires insuffisamment pris en compte. « Depuis 20 ans on nous explique qu’il faut fermer des lits et qu’on traitera tout en ambulatoire », s’énerve Christophe Prudhomme, urgentiste et délégué national CGT. « C’est une vaste connerie ! »
L’hôpital c’est pas l’usine
Autre point clé, les suppressions de postes. La CGT avance le chiffre de 1000 emplois menacés. Samira, élue CGT au CHSCT à l’hôpital Bichat, ne voit pas comment cela pourrait améliorer des conditions de travail très dégradées à l’hôpital public. « Aujourd’hui l’hôpital, c’est l’usine ! sauf que moi je suis infirmière, je travaille avec des humains, pas des voitures. » Comme beaucoup de soignant·es, elle considère que la crise du COVID-19 n’a pas ouvert les yeux du gouvernement sur ce sujet. « On est, et on reste dans un lean management de secteur privé, et ça, ça ne me convient pas ! »
Quelques mois après la mise en place du Ségur de la santé, cette nouvelle opération de démantèlement soulève donc un tsunami de suspicions et d’inquiétudes légitimes. D’autres projets de « super-hôpitaux » sont aussi critiqués, comme à Nantes. Le fracas de la crise du coronavirus remettra-t-il en question les choix à venir ? Côté élu·es à la mairie de Paris, le combat sera porté en direction des citoyen·nes, avec le lancement d’une votation citoyenne le 25 avril, « contre la mort de l’hôpital de proximité ».
Un reportage de Nabil Izdar. Photo de Une : Nabil Izdar.
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