Collages pour les réfugiés à Paris, mars 2021.

Collages Refugees : rendre visible pour mieux dénoncer

La Cour de cassation a définitivement relaxé Cédric Herrou, visage de celles et ceux qui aident les exilé‧es. Son combat avec la justice a braqué les projecteurs sur le harcèlement dont ces aidant‧es sont victimes. Au risque parfois d’occulter les concerné‧es : les exilé‧es. Le mouvement Collages Refugees corrige le tir, avec une première campagne dans l’espace public qui dénonce le sort des mineurs étrangers isolés.

Les collages en lettres noires sur fond blanc envahissent l’espace public depuis plus d’un an et demi : on retrouve des slogans collés dans les rues de nombreuses villes en France. D’abord visant l’invisibilisation des féminicides, cet outil de lutte féministe a rapidement fait des émules dans d’autres mouvements. Depuis quelques semaines, le mouvement Collages Refugees (collage_refugees) dénonce notamment les conditions d’accueil indignes des mineur‧es isolés étrangers (MIE), que l’administration appelle également MNA, pour mineur‧es non-accompagné‧es.

Les mineur‧es non-accompagné‧es, lors de leur arrivée en France, doivent être évalué‧es par le DEMIE : le bureau d’évaluation pour les mineurs isolés étrangers. Ce dispositif est organisé par la Croix-Rouge et vise à confirmer la minorité des personnes se déclarant comme telles, en vue de les orienter vers l’Aide Sociale à l’Enfance. Or l’expérience de terrain des associations montre une toute autre réalité. 

Des jeunes systématiquement soupçonnés de mentir sur leur minorité

Alina, bénévole à Paris d’Exil et à la Casa atteste que « plus de 70-80% des jeunes qui passent par le DEMIE se voient rejetés leur minorités et sont remis directement à la rue. » Menées rapidement, sans interprète, les évaluations restent incertaines.

Abdoulaye, arrivé en France lorsqu’il avait 15 ans, témoigne : « ils ont dit que j’étais trop grand ». Lors de son passage à la Croix Rouge, en 2017, l’évaluatrice l’a jugé trop grand pour son âge. Les chances d’obtenir un deuxième avis sont minces.


Sur le même thème : À Grande-Synthe malgré la solidarité, des exilé·es toujours plus démuni·es


Olivier, bénévole au sein d’une association proche des MNA et membre du mouvement collages_refugees, rappelle que « des mineurs qui sont remis à la rue car on a nié leur minorité, on en voit tous les jours. C’est l’objectif de ces collages, rappeler ce que fait le département, ce que fait l’État, et ce que fait la Croix Rouge. »

Pourtant, certains parcours de prise en charge fonctionnent. Une fois reconnus mineur‧es, les jeunes partent parfois dans d’autres départements moins saturés que l’Île-de-France, où l’aide sociale à l’enfance n’arrive plus à faire face. Formations, cours de français, accompagnement … La minorité ouvre des droits qui permettent à ces mineur‧es de se construire un avenir. Pour les autres, le risque de tomber dans l’errance est important.

Collages Refugees, pour visibiliser les mineur‧es isolé‧es

Combien sont-ils, ces mineur‧es qui arrivent sur le territoire ? Difficile de l’évaluer, tant les dispositifs de prise en charge peinent sur l’évaluation de la minorité. Un rapport parlementaire rendu le 10 mars dernier estime leur nombre à 17 000 en 2019. Selon la Protection judiciaire de la jeunesse, entre 2000 et 3000 sont tombés dans la délinquance, la plupart dans des réseaux de traite.

La réponse des député‧es de la majorité face à cette délinquance des mineur·es en errance est essentiellement sécuritaire. Le rapport parlementaire préconise notamment de rendre la prise d’empreintes digitales obligatoire, et de renforcer les sanctions en cas de refus de s’y soumettre lors d’une interpellation. Il recommande également l’augmentation du nombre de places disponible dans les structures de l’Aide Sociale à l’Enfance, et une meilleure prise en charge de MNA.

Des politiques de l’État répressives à l’égard des exilé·es

Derrière la situation des mineur‧es isolé‧es, se dessinent des directives de l’État, compliquant l’accès à leurs droits. Après des années d’errance administrative, beaucoup baissent les bras face à la complexités des recours. Iels se trouvent alors un petit boulot. Mais une fois majeur‧es, l’accès à leurs droits n’en est pas meilleure pour autant. Ils passent du statut de mineur‧es isolés à celui de sans-papiers.

Leur situation, qui s’est largement précarisée depuis le début de la crise sanitaire, a provoqué un sursaut de mobilisation. L’association Ensemble pour notre régularisation et intégration a organisé un rassemblement pour une régularisation massive des sans-papiers. Sa présidente, Zina Arbaoui, réclame aujourd’hui leur régularisation humanitaire « Les sans-papiers sont en première ligne de cette crise, ce sont des éboueurs, des auxiliaires de vie, des femmes de ménage ; beaucoup de sans-papiers ont perdu leur vie en travaillant. Nous demandons notre régularisation pour pouvoir vivre dignement. »

Un reportage de Léone Laali. Photo de Une : Léone Laali pour Radio Parleur.

La production de ce sujet a nécessité :

Heures de travail
€ de frais engagés
membres de la Team
Parleur sur le pont

L’info indépendante a un coût, soutenez-nous

Vous êtes les garant·es de notre indépendance. Nous sommes fièr·es de ce modèle.

Défendons-le ensemble !