Farida C., infirmière, a subi une violente interpellation des policiers lors de la manifestation des soignants en juin dernier. Elle est aujourd’hui poursuivie pour deux doigts d’honneurs et des jets de pierres envers les forces de l’ordre. La soignante risque jusqu’à trois ans d’emprisonnement avec sursis.
Deux doigts d’honneur et des jets de pierre
Le procès débute avec un peu de retard, ce lundi 22 février. La salle d’audience est pleine. Beaucoup sont venus soutenir Farida C. Les journalistes sont également présent‧es en grand nombre. Au côté de son avocat, l’infirmière est intimidée devant la juge et la procureure. La présidente commence par rappeler les faits reprochés à l’infirmière. Lors de la manifestation, Farida C. aurait adressé deux doigts d’honneurs et jeté des cailloux envers les forces de l’ordre. Ces gestes auraient suivi son interpellation musclée par quatre agents de police. Reprenant le chef d’accusation, la présidente déclare que Farida C. est également poursuivie pour rébellion et injures.
L’interpellation brutale des forces de l’ordre
La juge lit ensuite les versions des policiers sur les conditions d’interpellation de Farida : « Elle vous a saisi partiellement les cheveux pour vous empêcher de fuir. Ils ont dû vous mettre dans une position de semi-prosternation pour vous immobiliser. » Le seul (sur quatre) commissaire de police présent au procès justifie la violence de l’interpellation par l’attitude de rébellion de l’infirmière. « J’étais dans une situation de détresse (…) Ma collègue n’a eu d’autre choix que de la mettre en semi-prosternation, un genou entre les omoplates. » Quelques rires ironiques fusent dans la salle en imaginant la scène.
Farida est appelée à la barre. L’infirmière reconnaît les doigts d’honneurs, les jets de pierres, mais elle déclare qu’ils n’étaient pas adressés aux forces de police, mais à l’État qui détruit l’hôpital public. Farida parle pour les soignant‧es. Elle soutient que ses gestes sont ceux de la colère, de l’épuisement face aux conditions de travail de plus en plus difficiles. « Je n’ai voulu blesser personne » précise t-elle. L’infirmière rappelle le contexte de la manifestation, à trois mois de la première vague de Covid-19, elle raconte ne plus « supporter de devoir fermer tous les jours des housses mortuaires ».
Cependant, elle nie les injures et la rébellion. « Ces mots ne font pas partie de mon vocabulaire » déclare t-elle. Puis, l’infirmière revient sur son interpellation : « Après avoir jeté les pierres, j’ai couru, on m’a attrapée par le bras, on m’a projetée au sol, tirée par les cheveux, traînée par terre, et jetée contre un arbre. Je n’ai pas injurié les policiers, je n’ai opposé aucune résistance. » La matinée se conclut sur ces mots.
Un procès symbole des violences policières
A 14 heures, la séance reprend sur les vidéos tournés lors de la manifestation. Sur l’une d’entre elles vidéos, on peut voir la soignante à genoux, tenue par les poignets entre les quatre agents de police. On l’entend réclamer plusieurs fois sa ventoline, mais elle n’oppose de résistances, ni d’insultes. « Je suis Farida, je suis infirmière » crie t-elle à l’adresse des policiers.
Le commissaire ne pourra répondre sur ses vidéos. L’avocate indique qu’il est absent pour « des raisons professionnelles ». Elle réfute l’hypothèse selon laquelle Farida C. serait la victime de cette interpellation. L’avocate soutient que « le comportement de Farida mettait en danger la vie des policiers qui assurent la sécurité des manifestants. » C’est l’indignation dans la salle.
La procureure rejoint l’avocate des policier. Elle évoque un procès « symbolique » qui dépasse l’accusée, et que le jugement doit seulement se porter sur les gestes de l’infirmière. Elle demande la relaxe pour la rébellion et les injures, mais elle requiert deux mois de prisons avec sursis pour les doigts d’honneurs et les jets de bitumes. Arié Alimi, avocat de Farida, regrette cette condamnation. Il déplore l’absence de prise en compte des violences policières pendant le procès.
Enfin, c’est à Farida de conclure la journée sur ces déclarations : « Je ne suis pas violente, la seule violence que je connaisse c’est celle de ne pouvoir soigner mes patient‧es. » Les décisions de la justice seront rendu le 3 mai 2021.
Un reportage de Yelena Parentaud. Photo de Une : Pierre-Olivier Chaput pour Radio Parleur.
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