C’est devenu un poncif : qu’il soit décrié ou célébré, le black bloc est associé à une violence politique virile et débridée. Objet politique insaisissable, sa masse noire disparaît aussi vite qu’elle est apparue. Accusé de saboter les manifestations qui viennent à peine de s’ébranler, on le soupçonne d’être composé de jeunes privilégié·es s’amusant à casser. Mais quelles réalités se cachent derrière ces cagoules noires ? On en parle cette semaine dans votre épisode de “Penser les luttes”.

Nos invitées :

  • Isabelle Sommier est spécialiste des mouvements sociaux et de la violence politique, professeure de sociologie politique à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, et chercheuse au Centre européen de sociologie et de science politique (CNRS, Paris-I, EHESS).
  • Émeline Fourment est chercheuse au centre d’études européennes et politiques comparées et au Centre Marc Bloch de Berlin. Elle travaille sur les usages et les réappropriations des théories féministes dans les milieux libertaires de Berlin et Montréal. Elle enseigne actuellement la science politique et la sociologie à l’Université de Rouen.

Notre enquête sur le même thème : Black bloc : en cendres, tout devient possible


On ne retient d’eux que la casse, bien qu’ils défilent la plupart du temps sans exercer de violence physique. Avant-hier en première ligne des défilés contre la loi travail, hier acclamé·es par les Gilets Jaunes, aujourd’hui mobilisé·es contre la loi Sécurité Globale. Elles et eux, ce sont les manifestant·es qui adoptent la stratégie du black bloc. Depuis cinq ans ils et elles sont de plus en plus nombreux·ses et présent·es dans les manifestations, à tel point que le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti annonce travailler sur un “texte” pour lutter contre la pratique. Le black bloc et ses participant·es sont-ils un phénomène nouveau et unique ? Les « casseurs » confisquent-ils vraiment les manifestations comme le répètent journalistes, syndicats et politiques ? Ou bien les rapports entre différents groupes de manifestant·es échappent-ils à cette vision binaire ?

Derrière le black bloc, les stéréotypes de genre

Le black bloc fait régulièrement parler de lui pour l’esthétique et les images médiatiques qu’il véhicule. Une image souvent masculine et virile. « Il y a une image spontanée qu’on associe au black bloc dans notre société genrée : on associe la violence ou la menace au masculin. » Pourtant, sous le drapeau noir « on n’est pas loin de 50 % des participantes », précise Émeline Fourment. Et derrière cette participation se cache une répartition des tâches parfois très genrée. Alors qu’elles revendiquent un accès à l’exercice de la violence politique et à la prise de risque, les femmes endossent majoritairement les rôles d’entraide, de soutien, d’appuis et de soins. Des rôles nécessaires à la bonne marche du bloc, mais dont la répartition est source de conflits. « Il y a des mobilisations féministes internes au black bloc, qui remettent en cause les rapports de genre dans lesquels elles sont prises. »

Une émission animée et réalisée par Tristan Goldbronn. Production : Sophie Peroy-Gay. Photo de Une : Sylvain Lefeuvre pour Radio Parleur. 

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2 COMMENTS

  1. Et je voulais aussi faire remarquer que, à la toute fin, quand Emeline Fourment parle des téléphones dans le cortège de têtes, elle dit que contrairement à la France, en Allemagne c’est une habitude de ne pas prendre son téléphone et d’utiliser des vieux téléphones (qu’on appelle “burner”, au passage), eh bien je voulais simplement faire remarquer que au contraire, c’est aussi énormément présent en France
    C’est un conseil qui est quasiment systématique dans la préparation d’une manif, quand on conseille de se protéger, ne pas amener son téléphone, c’est quasiment au même plan que de conseiller d’amener des lunettes de protections, etc.

    Y’a toujours beaucoup de gens qui amènent leur téléphones (et qui utilisent effectivement signal), mais c’est plus par manque d’information et de préparation qu’autre chose, et quand on va dans les personnes vraiment “préparés” (tenue et équipements de protection), c’est au contraire assez rare que les gens aient leur téléphone.

    En tout cas, excellent Podcast, merci à vous de faire ça, ça fait vraiment du bien !

  2. Je voulais faire remarquer que, vous parlez des relations entre les syndicats et le cortège de tête comme conflictuel quasiment par définition
    Pour le coup c’est beaucoup plus nuancé que ça, déjà y’a beaucoup de syndicalistes qui sont tout à fait ouverts à la pratique, bien que ne la pratiquant pas eux mêmes, et qui ont de très bonnes relations avec les gens du cortège de tête

    De plus, ces relations conflictuelles, elles dépendent vraiment de la période
    Aujourd’hui c’est effectivement très tendu (à l’origine surtout du côté des syndicats, les autonomes ne demandent que d’avoir les syndicats comme alliés), mais c’est pas du tout toujours le cas
    La ou aujourd’hui on va voir par exemple un service d’ordre de la cgt repousser le cortège de tête sur la police, on pouvais voir par exemple pendant la loi travail, des cortège syndicaux venir forcer des nasses pour libérer des camarades du cortège de tête.

    Donc aujourd’hui effectivement c’est le cas, mais ça l’a pas toujours été, et rien ne dis que ça restera comme cela

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