Une femme pose, une caméra a l’épaule avec, en arrière plan, une affiche déchiquetée ou l’on retrouve un homme dans une posture grotesques entourés de deux femmes qui le glorifie. Sur l’affiche, un titre : Film de mec. Cette femme – sans doute une réalisatrice – nous fait face. Elle est dos a l’affiche comme pour annoncer une autre réalité, enfin débarrassée du female gaze.

L’expression female gaze, ou regard féminin, s’est popularisée grâce à Iris Brey, qui signe avec Mirion Malle Sous nos yeux, publié en avril 2021. Mais qu’est-ce que le female gaze au juste ? Appliqué aux films et séries, le female gaze désigne “le fait de partager l’expérience d’une héroïne: être dans sa tête, dans son corps, et avoir l’impression de  ressentir les choses avec elle“. Autrement dit, c’est une affaire de subjectivité.
Le regard féminin s’oppose au regard masculin, produit majoritairement par des réalisateurs, mais pas que. Il s’agit d’un regard produit par une représentation bien particulière des réalisateur·ices influencé·es par l’objectivation masculine des femmes, et d’abord de leurs corps.

C’est quoi, le male gaze ?

Le male gaze, à l’inverse du female gaze, représente les femmes en objets de désir, à posséder, à conquérir. Il propage la vision patriarcale de la société, qui domine dans la quasi totalité de la production cinématographique mondiale, qu’elles que soient les époques.


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Ce petit essai graphique, destiné d’abord au jeune public est une adaptation du précédent ouvrage d’Iris Brey : Le regard féminin, une révolution a l’écran (2020). La journaliste et critique de cinéma y reprend l’ensemble de ses thèses, qu’elles rend accessible à un plus large public, grâce notamment, aux illustrations de Mirion Malle.

Vulgarisation d’une révolution du regard

Cette démarche de vulgarisation met à disposition du plus grand nombre des concepts qui révolutionnent totalement la manière de visionner films et séries. Le découpage des corps, notamment, donnant une vision morcelée des corps féminins à grand renfort de gros plans sur les parties sensuelles ou censément sexuelles, apparaît comme une modalité du male gaze qui s’impose presque partout.

L’ouvrage, par sa méthodologie, transmet une myriade de définitions accompagnant par exemple les termes de sexisme ou de patriarcat. Il propose également quantité de contre-exemples tirés de films ou de séries qui adoptent le female gaze. Celles-ci permettent notamment de déconstruire les schémas de productions qui représentent de façon romantisée des scènes d’agressions sexuelles ou de viol. Mais adopter Un autre regard, c’est aussi retrouver celui de femmes réalisatrices parfois oubliées, comme Alice Guy, réhabilitée dans l’ouvrage.

De nouvelles références libérées par le female gaze

L’ouvrage, pensé comme une boîte à outils permet d’enrichir le patrimoine par un “matrimoine culturel” augmenté. Fini les archétypes et les références classiques souvent bourrés de signifiants liés au male gaze. Les récits cinématographiques se diversifient, et l’ouvrage est un appel à en prendre acte. En prenant aussi en considération l’ensemble des personnages et des identités : personnes transgenres, lesbiennes et racisé·es ou encore non-binaires… L’éventail des identités non-représentées, sexualisées ou exotisée est encore large. L’heure est venue de voir, d’entendre et d’écouter autrement.

Sous nos yeux : petit manifeste pour une révolution du regard d’Iris Brey et Mirion Malle aux éditions la ville brûle.

Un article de Nabil Izdar.