Le 15 décembre 2017, à Fives, un quartier populaire de Lille, Sélom, 20 ans et Matisse, 18 ans meurent percutés par un train. L’enquête conclut à un simple accident. Mais des doutes émergent. Achraf, l’un des deux survivants de l’accident, a concédé avoir été sur place pour vendre de la drogue. Aurélien, depuis, a quant à lui été incarcéré pour une affaire de stupéfiants. Dans ce quatrième épisode, un court instant, le doute s’installe chez Peggy et Valérie. Que faisaient vraiment leurs enfants le soir de l’accident ?

La ligne de chemin de fer sur laquelle l’accident a eu lieu, sépare les quartiers de Fives et de Caulier, deux quartiers populaires de Lille. La place Madeleine Caulier ressemble un peu à un bourg de village, la station de métro en plus. Elle est connue pour être un lieu de deal. C’est là que trainaient depuis quelques semaines Sélom et Matisse, en compagnie d’Aurélien et Achraf, les deux survivants de l’accident.

Le quatuor qui s’est formé autour d’Aurélien, ne se fréquente que depuis quelques mois. Matisse jouait à la console avec Quentin, le cousin d’Aurélien. Achraf sortait avec la sœur de Quentin et connaissait Sélom depuis le collège. Peggy et Valérie, les mères des victimes, n’en savent pas plus sur la nature de leurs relations. Ils avaient pris pour habitude de se retrouver depuis quelques temps dans ce quartier, traversé par les voies ferrées quittant la gare de Lille-Flandres.

Sélom et Matisse
Après avoir déménagé, Valérie, la mère de Matisse, a reconstitué la chambre de son fils dans son nouvel appartement. Photo : Yann Levy pour Radio Parleur.

Valérie a déménagé depuis le drame, mais elle a tenu à reconstruire la chambre de son fils à l’identique. Le nouvel appartement n’est meublé que de l’essentiel. Dans l’entrée, une bibliothèque est remplie de livres et de photos de Matisse. Elle se souvient de la veille de l’accident. « Matisse était allongé à côté de moi, la tête appuyée sur ma cuisse. » Souvenir tendre d’une relation que la mère qualifie volontiers de fusionnelle. Son regard se perd.

Valérie raconte un enfant sans histoire, apprécié de ses copains de classe mais aussi de son conseiller principal d’éducation. Adulte, Matisse se rêvait à la BRI ou au RAID, deux unités d’élite de la police. Après les attentats du 13 novembre, il avait écrit une lettre aux policiers pour leur témoigner son admiration. Valérie décrit un adolescent passionné, sportif et sociable, amateur de jeux vidéo, généreux mais tête en l’air, et parfois un peu exigeant.


On a besoin de vous :  jusqu’au 2 décembre, Radio Parleur mène sa campagne de don. Objectif : 20 000 euros pour continuer à vous proposer des podcasts libres et indépendants ! 


Le matin du drame, Matisse embrasse sa mère sur la joue et lui dit qu’il l’aime. Valérie garde en mémoire cet instant. C’est la dernière fois qu’elle voit son fils vivant. Il n’avait pas non plus l’habitude de l’embrasser de la sorte. Le jour de son enterrement, elle apprendra par des proches de son fils que la semaine précédant sa mort, Matisse était nerveux et préoccupé. Elle n’avait rien vu et s’interroge à présent. Avait-il reçu des menaces ? Voulait-il s’éloigner du quatuor ou de ses fréquentations à Fives ?

Sélom et Matisse
Chaque matin au réveil, le même rituel se répétait. Peggy et Sélom se mettaient à la fenêtre de leur appartement en buvant un café et en fumant une cigarette. Photo : Yann Levy pour Radio Parleur.

Sélom aussi se passionnait pour les jeux vidéo. C’est ce qui a sûrement rapproché les deux garçons. Après avoir abandonné le lycée technique, le jeune homme s’engage pendant trois mois dans l’Armée de Terre. N’ayant pas souhaité renouveler son contrat, il s’oriente vers une formation de mise à niveau en informatique : il veut réaliser des jeux vidéo. La formation se passe bien. La responsable soutient Sélom, qui se donne pour objectif de passer un diplôme d’accès aux études universitaires (DAEU) afin de pouvoir intégrer une école de création de jeux.

Peggy prend donc le temps d’en discuter avec lui. Elle connaît son fils et son rapport à l’école, mais il semble motivé. « Il s’est donné une discipline, il est sorti de ses habitudes », confie-t-elle. En attendant d’intégrer sa formation, Sélom enchaîne les petits boulots. Quand il ne travaille pas, il s’astreint à se lever. Chaque matin, le même rituel autour d’un café cigarette avec sa mère. En plus de Sélom, Peggy a également deux filles, dont l’une d’elles, Ahoefa, est très proche de son frère.

Un quartier touché par la drogue et sous pression policière

La place Madeleine Caulier est connue pour être un lieu de deal. Encore aujourd’hui, les jeunes qui ont l’habitude de vendre des produits stupéfiants se sont, au fil des contrôles policiers, éloignés de la petite place pour se cacher notamment dans la courée de la Cité Saint Maurice, située deux rues plus loin, à deux minutes à pied. Là où se trouvent Aurélien, Achraf, Sélom et Matisse, le soir du 15 décembre.

La voie de chemin de fer était utilisée régulièrement par des clients des revendeurs du quartier. Alors Valérie et Peggy s’interrogent. Chacune de leur côté, elles fouillent les affaires de leurs fils, la chambre, la cave, leur compte bancaire… les lattes du parquet. Mais, elles ne trouvent rien. Rien dans leurs comportements non plus ne valide cette piste : pas de nouveaux vêtements, pas d’achats particuliers.

Retrouvez tous les épisodes de cette série ici :

Une enquête menée par Yann Levy (Bastamag) et Tristan Goldbronn. Réalisation : Etienne Gratiannette. Photo de Une : Yann Levy pour Bastamag.

 

  1. 408
  2. 1350
  3. 5

La production de ce sujet a nécessité :

Heures de travail
€ de frais engagés
membres de la Team
Parleur sur le pont

L’info indépendante a un coût, soutenez-nous