Mercredi 8 juillet, le groupe Pierre et Vacances a annoncé l’abandon du projet de Center Park à Roybon en Isère. Un arbre qui cache la forêt des autres grands projets largement critiqués, mais qui continuent leur chemin. Parmi eux, Tropicalia. Cette serre géante chauffée à 28° toute l’année, pourrait émerger dès 2022 dans les Hauts-de-France. Une ZAD s’y prépare contre le projet.
Une végétation luxuriante, des cascades, des papillons et des poissons… la vidéo promotionnelle à la voix suave veut inspirer l’émerveillement pour une bulle de nature tropicale sous 20.000 m² de verrière au fini futuriste. Tropicalia, une serre géante qui a obtenu son permis de construire l’année dernière, tient pourtant davantage du parc d’attraction. Le projet est énorme : 50 millions d’euros pour la construction, 16 hectares de terrain et 22 mois de chantier. Les promoteurs du projet, des entrepreneurs de la région, promettent la création de 50 emplois pour 500.000 visiteurs par an. Les opposant·e·s ont eu une autre idée : créer une ZAD sur le site de Tropicalia.
« On est train de construire une pyramide au milieu du désert. »
Les promoteurs du projet font briller l’énorme valorisation touristique pour la région. Pour en arriver là, il faudra faire pleuvoir les millions : “73 millions d’euros aux dernières nouvelles dont une partie d’argent public, la région a débloqué 2 millions d’euros, l’ADEME [Agence de la transition écologique] et le FEDER [Fond européen pour le développement régional] en sont à 10 millions, et la communauté d’agglomération 400 000 euros,” détaille Samuel, du collectif Youth for Climate.
“Tous ces millions pour un projet qui ne semble ni nécessaire, ni utile, ni même souhaitable…” Surtout que ces projets une fois réalisés peuvent coûter cher au denier public. Nausicaa, un aquarium géant à Boulogne-sur-mer, qui développait un volet recherche important à côté de son activité commerciale, en est un exemple. Suite à la fermeture imposée par le confinement, celui-ci sollicite la Communauté d’agglomération du Boulonnais pour combler son déficit de 12 millions d’euros.
Le déplacement des espèces, une démarche risquée pour la biodiversité
Les végétaux de la grande serre ne seront pas prélevés dans la nature, mais proviendront de pépinières européennes. Il en sera de même pour les animaux. Côté plantes, la plupart, déjà très connues, n’ont aucun intérêt scientifique ou pédagogique. Elles sont répandues dans nos maisons, vendues comme plantes d’ornement.
D’autres, classées comme espèces exotiques envahissantes, sont aisément reconnaissables dans la vidéo (non contractuelle) de promotion du projet. Parmi elle, Lantana camara, ou lantanier, à la charmante fleur multicolore, et qui fait partie des pires espèces envahissantes répertoriées. Ces espèces seront-elles réellement cultivées dans la serre, ou bien ont-elles simplement servi d’image d’illustration ? Contacté, le porteur du projet n’a pas répondu à nos sollicitations.
Si ces plantes s’échappaient de la serre pour coloniser ses alentours ? Les opposant·es au projet s’en inquiètent. « Le déplacement des espèces a été pointé par le Groupe International des Experts du Climat comme un des facteurs majeurs de l’effondrement du vivant », affirme Laurent, membre d’Extinction Rebellion. “A priori, aucun risque qu’une plante tropicale survive à un hiver à Berck-sur-mer,” explique un botaniste spécialisé dans la conservation des plantes tropicales. “Le problème, c’est plutôt à l’apport de sols sur lesquels ces plantes seront cultivées, et les substrats nécessaires aux animaux tropicaux. Ils peuvent contenir des micro-organismes, et représentent donc un risque pas toujours contrôlé pour l’environnement.”
A écouter : Alessandro Pignocchi : « Sur les ZAD, le concept de nature n’existe pas »
« Ici, bientôt, Tropicazad »
Face au projet, la résistance s’organise. Dans le nuit du 21 au 22 juin, une banderole d’appel à la création d’une ZAD, a été accrochée sur le futur site Tropicalia. On peut y lire « Ici, bientôt, Tropicazad », œuvre du collectif « les Ébouriffés ». Extinction Rebellion y a également mené une action symbolique, en plantant un jardin en forme de leur logo « On compte revenir pour sensibiliser les citoyens, et les inciter à prendre possession de cet espace, qui est encore public ».
Occuper le terrain d’une part, attaquer sur le plan légal d’autre part : le Groupement de défense de l’environnement de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer a déposé un recours contre le projet. Une bataille judiciaire qui reporte donc le lancement du défrichage et des travaux. Une bataille qui a déjà eu raison d’autres projets, épuisant les promoteurs et les investisseurs. À Roybon, les opposant·es sabrent désormais le champagne après douze ans de lutte. Un marathon qui ne fait que commencer pour la “Tropicazad”.
Un reportage réalisé par Justine Mascarilla. Photographie de une : Tropicalia.