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Première grève chez RMC et BFMTV

Le groupe de médias NextRadioTV veut mettre un·e salarié·e sur trois à la porte. Face à ces coupes drastiques voulues par Patrick Drahi, PDG de la maison BFM et RMC, journalistes, technicien·es, chef·fes de car, régisseur·euses, et rédacteur·ices en chef ont fait grève pour la première fois de leur vie.

Jean-Jacques Bourdin n’a pas eu de matinale, mais il a tenu à faire son interview politique avec Richard Ferrand, ce mercredi 24 juin. Pendant que l’antenne continue bon an mal an, les salarié·es en grève manifestent devant le campus Altice, où sont logées toutes les antennes du groupe NextRadio TV (RMC, BFMTV, BFM Paris, RMC Découverte…). La semaine passée, la direction annonçait la disparition de 330 à 380 postes sur 1200, et la fin de la collaboration avec 200 pigistes et intermittent·es.

La grève à BFM TV, une première

La maison est connue pour demander beaucoup à tout le monde. On n’y compte pas ses heures, et lorsqu’on y prend un premier poste, on y devient rapidement polyvalent·e. Tomas Léonetti est chef de car. Technicien de l’image indispensable en grève, il assure le transport des camions estampillés BFM TV sur le terrain, des manifestations aux zones de conflits armés, et gère une partie de la réalisation.

Plus ça va, et plus on réduit les régies. Demain, sur BFM Paris, on nous propose de passer à zéro technicien.” Qui s’occupera de lancer les sujets diffusés à l’antenne ? “Les présentateurs, comme cela se fait déjà sur BFM Lyon.” Pourtant, la direction d’Altice, la maison-mère, est très claire : il faudra faire aussi bien, avec moins de gens aux manettes.

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D’après l’intersyndicale, ce seront en effet les fonctions dites support qui seront les plus touchées : technique, services commerciaux, mais aussi les intermittent·es, et les journalistes pigistes. Marie Monier, reporter de la rédaction de RMC, lit le communiqué de ces précaires du métier. “La direction évoque le coronavirus comme l’élément déclencheur de ce plan social. Pourtant, pendant cette crise, nous nous sommes autant investi·es, nous avons autant contribué à l’excellence éditoriale que les journalistes titulaires.” Ainsi, les pigistes partagent avec les salarié·es cuisant sous la chaleur de midi le sentiment d’avoir été punis injustement.

“Faire mieux avec moins, nous ne voyons pas comment”

La télé, comme la radio, sont des grosses machines. Faire une antenne en direct, avec des équipes toujours dehors, “sans réalisateur, sans chef·fes d’édition, sans standard pour mettre les auditeurs à l’antenne, sans maquilleur·se, sans maintenance… faire mieux avec moins, nous ne voyons pas comment.” Barthélémy Bolo, reporter sur la chaîne BFM Paris est pourtant un couteau-suisse du reportage, représentant de la polyvalence valorisée dans les rédactions du groupe.

Filmer, monter, interviewer, écrire, présenter des journaux, se cadrer seul avec une perche à selfie, comme la plupart des journalistes : il peut remplacer à peu près n’importe qui à n’importe quel poste. “Aujourd’hui, c’est ce qui fait notre force, mais ça pourrait se retourner contre nous,” s’alarme un journaliste de RMC Sports.

Qui va faire le travail de celles et ceux qui partiront ?

À la crainte de devoir partir, s’ajoute celle de rester travailler, en cumulant les tâches de celles et ceux qui ne seront plus là. “Faire le boulot de deux ou trois personnes, c’est la marque de fabrique du groupe,” soupire un correspondant en région. Depuis cinq ans, les journalistes radio font aussi des reportages télé.

Du terrain aux studios, le modèle concerne tous les maillons de la chaîne. “Dans toutes les autres chaînes de télé, une maquilleuse maquille et un coiffeur coiffe. Nous on a un autre modèle, celui de la maquilleuse-coiffeuse, et pas forcément avec la rémunération qui va avec,” explique Thomas Léonetti.

Des audiences qui grimpent pendant la crise sanitaire

Ce plan est incompréhensible. Les audiences sont bonnes, avant, pendant, et après la crise,” explique Alban Azaïs, délégué syndical CGT. Les chiffres Médiamétrie confirment la bonne santé des audiences du groupe, BFMTV en tête. En mai, Altice revendique ainsi 13 millions de télespectateur·ices par jour sur sa chaîne d’info, et plus de 44 millions sur ce seul mois, en augmentation depuis l’année dernière.

Oui, mais… pour la direction, l’audience ne suffit pas. Dans le modèle économique essentiellement basé sur les recettes publicitaires, elle annonce un effondrement pendant la crise du Covid-19. “L’année n’est pas terminée,” rappelle Alban Azaïs. “Pour savoir ce que les audiences vont rapporter en termes de recettes publicitaires, il faut attendre la fin de l’année.” Pourquoi, alors, un tel empressement à supprimer des postes ? Interrogée, la direction d’Altice, maison mère de NextRadioTV, n’a pas donné suite à nos demandes.

Mercredi 24 juin, les salarié·es de BFM, RMC et les autres ont donc décidé de faire grève. Un bandeau sur BFMTV, quelques mots à l’antenne de la radio RMC, le mouvement naissant devra survivre à la grille d’été, et aux vacances. Alban Azaïs se veut confiant. “Pour la première fois, on a une convergence entre tous les corps de métiers, journalistes, techniciens, rédacteurs en chef… j’ai bon espoir pour l’avenir.

Un reportage de Violette Voldoire. Photo de Une : Violette Voldoire pour Radio Parleur.

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