Le mardi 2 juin 2020, s’est tenu un rassemblement devant le Tribunal de Grande Instance de Paris pour dénoncer le racisme. Organisé par le comité Vérité et Justice pour Adama, il a rassemblé 20 000 personnes.
Première diffusion : 6 mars 2020
Sous une chaleur étouffante, les applaudissements retentissent face à l’immense immeuble vitré du nouveau Tribunal de Grande Instance. Il est 19 heures : la foule continue à se rassembler, les prises de parole des familles de victimes de violences policières commencent.
Alors que les États-Unis s’embrasent suite au meurtre de Georges Floyd par un policier, en France, les victimes racisées de la police sont toujours plus nombreuses. Adama Traoré, tué en 2016 dans les locaux de la gendarmerie de Beaumont-sur-Oise, Zyed Benna et Bouna Traoré, en 2005 après une course poursuite, Lamine Dieng, en 2007, dans un fourgon de police, la liste est encore longue. Éden, 32 ans, porte une pancarte sur laquelle figure « pas de justice, pas de paix » et « I can’t breathe », en référence aux derniers mots prononcés par Georges Floyd. Il raconte : « Les deux histoires sont liées, et il y a une prise de conscience internationale des discriminations entre blancs et non-blancs ».
Une interdiction tardive
Malgré l’interdiction publiée en début d’après-midi, par le préfet de police de Paris, de nombreuses personnes ont tenu à participer à ce rassemblement historique. Assa Traoré raconte les circonstances du décès de son frère, et rappelle l’importance de cette lutte antiraciste : « Peu importe la couleur de peau, peu importe la religion, on ne peut pas rester spectateur face à l’injustice et à l’impunité policière. […] Mon frère ne reviendra pas, mais tous les combats qu’on va faire, on les fait pour vous. […] Nous avons le droit de participer à la construction de ce monde, de cette France, et de notre propre vie. Votre nom doit rentrer dans l’histoire ».
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En cette période d’état d’urgence sanitaire, les rassemblements de plus de 10 personnes sont théoriquement interdits, mais beaucoup de gens ont fait le déplacement pour soutenir le combat du comité Vérité et Justice pour Adama, alors qu’une nouvelle expertise sur la mort du jeune homme de 24 ans valide l’asphyxie par plaquage ventral. Inès Rau, militante trans, explique : « Il y a une white supremacy dans la police française, et on est contre ce système qui protège les policiers racistes ».
“Cette peur de la police je l’ai toujours eu”
Beaucoup de soutiens s’affichent aux côtés d’Assa Traoré : la boxeuse et actrice Aïssa Maïga, la chanteuse Camelia Jordana, les actrices Nadège Beausson-Diagne, Adèle Haenel et Sara Forestier, pour ne citer qu’elles. Une fois son discours achevé, Assa Traoré, fend la foule, acclamée. Anaïs, avec sa pancarte « protéger et pas tuer » déclare : « Mon frère s’est fait tabasser pendant le confinement, pour rien, alors qu’il avait son attestation. C’est pas normal. Cette peur de la police je l’ai toujours eue, dès que je sors de chez moi. A Colombes, où j’habite, j’ai plein d’amis qui se sont fait tabasser. C’est courant. […] Sur l’affaire Adama, les gendarmes ne devraient pas protéger leurs collègues, au contraire ils devraient les dénoncer pour avoir une police plus saine et plus juste ».
A la suite des prises de paroles, la foule compacte tente de quitter le parvis du TGI, noir de monde, mais les forces de police chargent et lâchent des grenades lacrymogènes. Les affrontements s’éternisent, on dénombre 18 interpellations. Plusieurs départs de manifestations sauvages se lancent dans le nord de Paris. L’une passe par la porte de la Chapelle, Marx Dormoy et le boulevard Barbès aux cris de « Justice pour Adama ! ».
Un reportage de Violette Voldoire. Photo de Une : Pierre-Olivier Chaput.
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