Pendant le confinement, cultiver son jardin, ce n’est pas seulement fleurir ses plate-bandes. Deux semaines après le début du confinement, les plants et semences entrent dans la liste des produits de première nécessité. Les longues négociations entre les organisations paysannes et agricoles et le Ministère de l’économie ont porté leurs fruits, mais pas sauvé le secteur horticole, ni les potagers.
L’inquiétude des travailleurs et des travailleuses des jardineries
Durant le confinement, les jardineries restent ouvertes. Seuls les rayons de produits animaliers sont accessibles, grâce à des protocoles mis en place dans les magasins. Quand les plants et semences entrent dans la liste dans les produits de première nécessité le 1er avril, Aurore, vendeuse dans le marché aux fleurs, pâlit. “Je dois avouer que j’ai eu peur. J’ai eu peur pour mes collègues. J’ai eu peur pour les gens, […] parce qu’il ne faut pas que ça crée de mouvements de foule, et du coup qu’on ait trop de monde.”
Le manque de protections pour le personnel ne la rassure pas. Les gants et les masques n’ont été distribués par sa direction que durant la troisième semaine du confinement. Face à cette situation, la vendeuse considère que la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances, Agnès Pannier-Runacher est allée un peu vite en besogne. “Puisqu’on ne mange pas nos plants de tomates ou d’aubergines […] au mois de mai”, cela aurait bien pu attendre la fin du confinement.
Les horticulteurices paysan・nes en danger
“Pour nous c’est une catastrophe”. Aude Pozo, horticultrice en Dordogne, devrait charbonner à plein en cette période. Pour les horticulteur·trices, le printemps est le pic d’activité. “Le mois de mai représente 80% de notre chiffre d’affaire annuel”, explique-t-elle.
L’activité au ralenti dans les jardineries et la mise en pause de la vente directe de plants au consommateur les pénalisent lourdement. “On gagne plus notre vie pour l’instant, pour la vie du présent, mais surtout on gagne plus notre vie pour tous les mois à venir.”
Coco Badie, horticulteur dans le Lot-et-Garonne et représentant de la filière horticole pour la Confédération Paysanne en Nouvelle-Aquitaine, n’est pas inquiet pour les gros producteurs de graines. Pour les paysan・nes, c’est une autre affaire. “Je sais que comme moi, certains horticulteurs ont des gros soucis de trésorerie, parce que ce sont de petites structures.”
La situation s’améliore depuis le premier avril. Aude a mis en place un drive dans son exploitation. Coco, quant à lui, participe à une initiative de vente à la ferme, ce qui “lui redonne un peu d’espoir”. La situation reste inégale selon les départements, qui fixent les règles quant aux autorisations d’ouverture et de livraison.
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Faire son jardin en confinement, une nécessité pour certain・es
À l’autre bout de la chaîne, tous les potagers n’ont pas profité de la réouverture des jardineries et des drives chez les horticulteurices. Parfois à plusieurs kilomètres du domicile en zone rurale, les jardins restent accessibles pendant le confinement. Encore faut-il aller chercher la bonne case à cocher dans les FAQ du site du gouvernement. La peur du gendarme en a dissuadé plus d’un・e de se déplacer pour faire son jardin.
La classement des graines et plants en produits de première nécessité le 1er avril rassure donc un peu les jardiniers・ères. Paul, jeune retraité de l’agglomération de Bergerac (24), rappelle fièrement qu’il a “eu le nez creux cette année” sur ses graines et ses plants. Son potager pléthorique lui permet d’être autosuffisant en légumes et en fruits, et de ne pas souffrir du confinement, malgré la hausse des prix.
Ce n’est pas le cas de tou·tes ses ami・es jardiniers・ères. Pénurie de plants de tomates en jardinerie, semis trop tardifs pour certains légumes, ou encore panne de motoculteur, ces petits tracas du potager ne sont pas indolores pour tout le monde. “La vente de plants de légumes augmente, et je me rends compte que pour certains clients, c’est très important.” Aude Pozo se souvient d’une dame d’un certain âge pleurant sur ses plants de tomates dévorés par le mildiou : “Pour elle, c’était ses conserves pour l’hiver.”
Un reportage écrit et réalisé par Pauline Moszkowski-Ouargli – Mixage et musiques : Jordan Berrabah-Albert. Photo de Une : Aude Pozo pour Radio Parleur.